
Depuis quelques années, l’UQAM accueille davantage d’étudiants en situation de handicap dit invisible. Ces étudiants souffrent de troubles d’apprentissage (TA), de troubles de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H), de troubles envahissants du développement (TED),de troubles de santé mentale (TSM). «Les Services à la vie étudiante (SVE) veulent répondre à leurs besoins spécifiques», affirme France Landry (Ph.D. psychologie, 2012), psychologue spécialisée en éducation postsecondaire aux SVE et professeure associée au Département de psychologie.
L’équipe du soutien à l’apprentissage des SVE organise depuis septembre 2013 des rencontres s’adressant spécifiquement aux étudiants de premier cycle vivant avec un TDA, un trouble neurologique pouvant entraîner des symptômes tels que de l’impulsivité, des difficultés à maintenir sa concentration ou à contrôler son comportement. Selon l’Association québécoise interuniversitaire des conseillers aux étudiants en situation de handicap (AQICESH), près de 400 étudiants vivant avec un trouble de déficit de l’attention étaient inscrits à l’UQAM en 2013-2014, ce qui représentait 31% des étudiants en situation de handicap.
Selon l’Association québécoise interuniversitaire des conseillers aux étudiants en situation de handicap (AQICESH), près de 400 étudiants vivant avec un trouble de déficit de l’attention étaient inscrits à l’UQAM en 2013-2014, ce qui représentait 31% des étudiants en situation de handicap.
Le programme de rencontres de groupes «Focus», qui s’échelonne sur huit semaines, a été développé par France Landry dans le cadre de sa thèse de doctorat clinique en psychologie effectuée sous la supervision de la professeure Georgette Goupil. L’objectif est d’aider les étudiants à adopter de bonnes stratégies d’étude (gestion du temps, des horaires et de la session, stratégies d’écriture et de lecture, etc.) afin de mieux réussir leur parcours universitaire. «Les étudiants vivant avec un TDA ont d’abord besoin d’un cadre d’étude, souligne France Landry. Le but n’est pas de leur enseigner de nouvelles méthodes, mais de voir ce qui fonctionne pour eux et de s’assurer qu’ils peuvent maintenir ces stratégies et les bonifier. Comme ce sont des gens qui n’aiment pas beaucoup la routine, ils peuvent facilement les oublier. Il faut donc les leur rappeler!»
Un groupe de soutien
Pour participer aux rencontres, les étudiants doivent avoir déjà reçu un diagnostic posé par un médecin et s’engager à participer aux huit rencontres offertes durant la session. L’activité offre également l’occasion de discuter avec d’autres étudiants aux prises avec les mêmes difficultés et de briser l’isolement. «Lors de la première rencontre, on aborde plusieurs thèmes comme la médication, le processus d’acceptation du diagnostic et les différentes perceptions que les étudiants peuvent avoir de leur TDA», explique France Landry.
Selon la psychologue, la principale difficulté rencontrée par les étudiants vivant avec un déficit de l’attention, c’est de se mettre à la tâche. «Quand notre attention nous amène constamment ailleurs, cela demande un effort considérable pour être présent», dit-elle. D’où l’importance de développer des trucs pour rester attentif. «En classe, par exemple, il peut s’agir de s’asseoir à l’avant pour éviter les distractions et de rester actif en posant des questions au professeur», illustre la psychologue. Pour la lecture, mieux vaut prendre des notes et surligner des passages. «La lecture peut devenir monotone au bout d’un moment; pour une personne qui a un déficit de l’attention, c’est un défi supplémentaire.»
Dans le cadre de son travail aux SVE, France Landry rencontre différents types d’étudiants vivant avec un TDA. «Il y a ceux qui ont reçu un diagnostic durant l’enfance et d’autres à l’âge adulte, parfois parce que leur enfant a été diagnostiqué», remarque la psychologue. Les personnes diagnostiquées tardivement ne vivent pas nécessairement les mêmes choses que celles qui ont reçu un diagnostic durant l’enfance. «Ces personnes se retrouvent parfois devant une impasse à l’université, poursuit-elle. Leurs stratégies d’étude ne fonctionnent plus, on les accuse souvent à tort de paresse et elles ont davantage de problèmes d’estime de soi.»
« La principale difficulté rencontrée par les étudiants vivant avec un déficit de l’attention, c’est de se mettre à la tâche. Quand notre attention nous amène constamment ailleurs, cela demande un effort considérable pour être présent. D’où l’importance de développer des trucs pour rester attentif.»
France Landry,
Psychologue aux Services à la vie étudiante
Il y a autant de formes et de degrés de TDA qu’il y a de personnes qui en sont atteintes, rappelle France Landry. «Au-delà du trouble et de l’étiquette, les personnes qui en sont atteintes ont des personnalités et des intérêts comme tout le monde. Nous essayons de faire en sorte que les étudiants puissent prendre conscience de leurs forces. Vivre avec un TDA, c’est, bien souvent, penser en dehors de la boîte et voir les problèmes d’une manière différente. Ceux qui ont un trouble avec hyperactivité, en particulier, ont toujours le cerveau bouillonnant d’idées et ne sont jamais à court de solutions!»
La prochaine série de rencontres «Focus» aura lieu l’automne prochain, dans une formule remaniée et mise à jour. «Nous sommes à la recherche d’un étudiant au doctorat en psychologie qui pourrait évaluer le programme et en mesurer les impacts sur le développement de stratégies d’études et sur le sentiment d’efficacité personnelle des participants», précise France Landry.
Cynthia Parra: Une étudiante motivée

Étudiante de deuxième année au baccalauréat en histoire, Cynthia Parra a obtenu un diagnostic de dyslexie dysorthographique avec un trouble de déficit de l’attention quand elle était enfant. «En troisième année du primaire, ma professeure a décelé chez moi certaines difficultés en lecture et en écriture, mais comme mes notes étaient moyennes, je n’étais pas un cas assez problématique pour bénéficier des services d’une orthopédagogue, raconte-t-elle. Mes parents se sont alors tournés vers le privé pour obtenir un diagnostic plus rapidement.» Victime d’intimidation à l’école primaire et secondaire, Cynthia Parra a voulu renoncer aux études plus d’une fois. «Les autres enfants me disaient que je ne méritais pas de vivre. Heureusement que ma mère était très présente et passait beaucoup de temps avec moi pour m’aider dans mes devoirs.»
Cynthia Parra se dit aujourd’hui très fière d’étudier à l’université. «Je fais partie de la première cohorte d’étudiants universitaires ayant un trouble de déficit de l’attention et je ne suis pas prête d’abandonner mon but!, affirme cette passionnée d’histoire de l’Égypte ancienne qui compte poursuivre ses études aux cycles supérieurs en histoire et devenir professeure. Quand on étudie dans un domaine que l’on aime, il est plus facile de rester motivée!»
Pour la première fois de sa vie d’étudiante, Cynthia Parra bénéficie de certains aménagements et mesures de soutien pour l’aider à mieux réussir son parcours universitaire. «Pendant les examens, j’ai recours à du temps supplémentaire, dit-elle. Comme je suis dyslexique, mettre mes idées par écrit et les structurer me demande plus de temps.» Les nouvelles technologies lui apportent aussi une aide précieuse. «Si je suis dans la lune durant un cours, mon enregistreuse me permettra d’en réécouter le contenu.»
« Je fais partie de la première cohorte d’étudiants universitaires ayant un trouble de déficit de l’attention et je ne suis pas prête d’abandonner mon but! »
Cynthia Parra,
Étudiante au baccalauréat en histoire
Au début de chaque session, Cynthia Parra remet différents formulaires, disponibles au bureau du Service d’accueil et de soutien aux étudiants en situation de handicap, à ses professeurs, les informant de ses besoins particuliers. «Il est parfois frustrant de savoir que nous ne pouvons pas accomplir certaines choses aussi facilement que les autres. Il faut apprendre à vivre avec nos limitations et développer des trucs», dit-elle. La cohabitation avec les autres étudiants se passe bien. «Ils se montrent parfois curieux au sujet de mes aménagements en classe, mais après leur en avoir expliqué la raison, ils me comprennent et ne jugent pas.»
Bien que Cynthia Parra se dise fort satisfaite de l’aide et du soutien offerts par les conseillers du Service d’accueil et de soutien aux étudiants en situation de handicap, elle observe toutefois une méconnaissance de ces services. «Les étudiants ne savent pas toujours où trouver de l’aide, dit-elle, et les professeurs ne sont pas toujours informés au sujet des aménagements offerts.»