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Écologie sonore

Une démarche originale en éducation musicale vise à sensibiliser les jeunes à leur environnement sonore.

Par Marie-Claude Bourdon

8 mai 2015 à 10 h 05

Mis à jour le 8 mai 2015 à 10 h 05

«On veut que notre environnement soit agréable à regarder, dit Vincent Bouchard-Valentine, mais il devrait aussi être beau quand on ferme les yeux et qu’on écoute.» Photo: Istock

Notre environnement est devenu tellement bruyant que nous n’écoutons plus. Pour raviver le sens de l’écoute, le professeur du Département de musique Vincent Bouchard-Valentine invite régulièrement ses étudiants à des promenades acoustiques. À l’intérieur même de l’UQAM, il les entraîne à écouter l’écho intéressant produit par le tunnel entre le pavillon des Sciences de la gestion et le DS, le bruit d’une ventilation ou celui de la cafétéria. Il les envoie dans la nature ou à la maison enregistrer des sons qu’ils trouvent particulièrement agréables – ou désagréables –, puis à les assembler pour en faire de petites créations sonores.

Une autre activité proposée par le professeur consiste à dresser la cartographie sonore d’un lieu: un village, un quartier, une école. Il s’agit d’en répertorier les sons et de les représenter graphiquement sur une carte. «Chaque lieu possède un son particulier, observe Vincent Bouchard-Valentine. Par exemple, le son du métro qui démarre, à Montréal, est très caractéristique.»

« Chaque lieu possède un son particulier. Par exemple, le son du métro qui démarre, à Montréal, est très caractéristique. »

Vincent Bouchard-Valentine,

Professeur au Département de musique

Spécialisé en pédagogie musicale, cet ex-enseignant de musique à l’école primaire croit à l’importance de développer chez les jeunes une sensibilité à l’environnement sonore. «Dans notre société axée sur l’image et le visuel, il faut rétablir une culture de l’audition», dit le chercheur, qui présentera le 12 mai une conférence publique sur le sujet. «Je veux montrer comment l’éducation musicale peut devenir une éducation relative à l’environnement et, inversement, comment l’éducation relative à l’environnement peut devenir une éducation musicale.»

Vincent Bouchard-Valentine

À côté de la tradition fondée sur le solfège, l’enseignement de la musique doit faire place, selon lui, au développement de la sensibilité aux sons. «L’élève doit être capable de remarquer les sons, puis de les classer et de les organiser.» La création sonore, explique-t-il, demande d’aller chercher des éléments et de les mettre en valeur pour que le résultat soit esthétique. «La différence, c’est qu’au lieu de travailler avec un violon, on travaille avec le corps, avec un objet ou avec des sons de l’environnement. Par exemple, on fera une création sonore collective dans une cage d’escalier en se servant des barreaux pour produire des sons.»

Le chercheur, qui a fait son baccalauréat en musique à l’UQAM avant de poursuivre à la maîtrise, puis au doctorat en éducation, s’inspire des principes énoncés par le fondateur de l’écologie sonore, le compositeur canadien Raymond M. Schafer. «Dans la perspective de Schafer, l’environnement sonore devient une immense composition musicale dont nous sommes à la fois le public, les interprètes et le compositeur», explique le professeur.

Pollution sonore

Avec le concept d’écologie sonore – science qui étudie les relations entre les êtres vivants et leur environnement sonore –, Schafer a développé celui de pollution sonore. On pense à tous ces bruits qui envahissent notre quotidien – thermopompes, bip-bip du camion qui recule, musique de centre commercial – et nous empoisonnent la vie, mais la pollution sonore affecte aussi les animaux. «Les oiseaux qui vivent en bordure des routes doivent chanter plus fort, sinon ils ne s’entendent pas, ce qui nuit à leur reproduction», note Vincent Bouchard-Valentine. Même chose aux abords des milieux humides, où le bruit de la circulation peut rapidement enterrer la petite symphonie créée par le chant des grenouilles.

« Les oiseaux qui vivent en bordure des routes doivent chanter plus fort, sinon ils ne s’entendent pas, ce qui nuit à leur reproduction. »

Il y a aussi, selon Schafer, des sons menacés d’extinction: le son des anciens téléphones à roulette (quoique sa version synthétisée connaisse une nouvelle vie sous forme de sonnerie de cellulaire), le son de la machine à écrire ou de la cloche duu rémouleur qui passait dans les rues en agitant sa cloche.

C’est dans un ouvrage intitulé Le paysage sonore que Schafer a énoncé les principes de l’écologie sonore. «On veut que notre environnement soit agréable à regarder, dit Vincent Bouchard-Valentine, mais il devrait aussi être beau quand on ferme les yeux et qu’on écoute.»

Éducation relative à l’environnement                                                       

Sur le plan pédagogique, le professeur inscrit sa démarche dans une perspective d’éducation relative à l’environnement. «On espère qu’en formant des jeunes plus sensibles à l’environnement sonore, ils pourront transformer la société dans leur milieu d’action, qu’ils soient ingénieurs, designers, urbanistes ou architectes. De nombreux domaines sont interpellés par l’amélioration de l’environnement sonore.»

« On espère qu’en formant des jeunes plus sensibles à l’environnement sonore, ils pourront transformer la société dans leur milieu d’action, qu’ils soient ingénieurs, designers, urbanistes ou architectes. De nombreux domaines sont interpellés par l’amélioration de l’environnement sonore. »

Le chercheur insiste aussi sur la dimension interdisciplinaire de l’écologie sonore, au carrefour de plusieurs disciplines qui étudient le son. Il collabore ainsi avec la professeure de l’École des arts visuels et médiatiques Monique Richard et l’équipe de recherche EntrelACÉ: art, culture, éducation, qui s’intéresse aux liens entre les pratiques artistiques actuelles, la culture des jeunes et l’enseignement des arts.

Il mène aussi un projet de recherche avec le compositeur de musique électroacoustique Yves Daoust, qui a créé une application iPad servant de mini studio de création sonore à utiliser en milieu scolaire. «Je suis en train de développer une plateforme Web pour soutenir les enseignants qui travailleront avec l’application», indique-t-il.

Ouverte au grand public, la conférence de Vincent Bouchard-Valentine s’intitule «Musique et éducation relative à l’environnement: la création sonore comme stratégie de transformation sociale». Elle sera présentée dans le cadre des activités du Centre de recherche en éducation et formation relatives à l’environnement et à l’écocitoyenneté – Centr’ERE  le mardi 12 mai, de 12 h 30 à 14 h, à la salle des Boiseries (J-2805) du pavillon Judith-Jasmin.