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Décoloniser l’art de rue

L’étudiante Camille Larivée-Gauvreau lance une campagne pour financer un projet réunissant des artistes autochtones et non autochtones.

28 mai 2014 à 14 h 05

Mis à jour le 17 septembre 2014 à 19 h 09

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Decolonize Turtle Island, oeuvre textile de Camille Larivée-Gauvreau.

«Decolonizing Street Art/ L’île de la tortue» est le titre du nouveau projet artistique de Camille Larivée-Gauvreau, étudiante au baccalauréat en histoire de l’art. Le projet réunira cet été, à Montréal, 11 artistes de rue autochtones et non autochtones provenant du Canada et des États-Unis. «L’idée est de mettre sur pied une communauté de créateurs, qui souhaitent bâtir des ponts entre les Premières Nations et les Blancs, et de briser les préjugés et les stéréotypes reliés aux autochtones, lesquels peinent à prendre leur place dans le milieu des arts visuels», explique celle qui agira à titre de commissaire du projet tout en y participant comme artiste textile.

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Camille Larivée-Gauvreau. Photo: Nathalie St-Pierre

Pour financer son projet, Camille Larivée-Gauvreau a lancé une campagne de financement sur Indiegogo qui se déroulera jusqu’au 11 juillet prochain. «Il faut payer les frais de transport des artistes, le matériel artistique ainsi que la location d’échafaudages et autres équipements.» L’étudiante compte récolter 5 000 dollars. Il est possible de faire un don en ligne et d’acheter des bandanas, des écussons sérigraphiés, des wampum (ceintures utilisées par les autochtones), des autocollants. Camille Larivée-Gauvreau a réalisé certains de ces objets, dont les motifs illustrent la thématique du projet. Un tour guidé du site de l’événement et une visite d’atelier d’artiste sont aussi offerts pour quelques dollars.

Mieux comprendre les réalités autochtones

Le projet, dont le nom «Île de la tortue» fait référence au territoire de l’Amérique du Nord selon une légende autochtone, comprendra des rencontres et des collaborations entre les artistes qui réaliseront leurs œuvres – murales, dessins sur papier, installations textiles, pochoirs – à différents endroits dans la ville. «Tous les artistes participant au projet, comme Cera (Philadelphie), Bandit (Los Angeles) et Chip Thomas (Arizona), ont une démarche qui s’articule autour de l’identité et de l’iconographie autochtones, explique la jeune femme. Les thèmes qu’ils abordent traitent des luttes autochtones pour la reconnaissance des territoires ancestraux et de réalités difficiles auxquelles sont confrontées certaines communautés, comme les assassinats de femmes autochtones et la dégradation de l’environnement.» L’échange de connaissances entre les communautés devrait permettre, selon elle, une meilleure compréhension des réalités historiques, sociales et culturelles des autochtones.

Le projet sera aussi l’occasion de donner une plus grande visibilité aux femmes, comme L Nigit’stil Norbert, originaire de Yellowknife, LMNOPI, de New York, Jessica Sabogal, de San Francisco, et l’artiste textile ZOLA, de Montréal, qui composent un peu plus de la moitié des artistes sélectionnés. «L’art de rue est un milieu encore largement dominé par les hommes», souligne Camille Larivée-Gauvreau.

Un second volet, à caractère communautaire, réunira des artistes et des autochtones provenant de centres jeunesse. «L’événement pourrait être une belle façon d’initier les jeunes aux arts visuels et à la culture autochtone », observe l’étudiante.

Camille Larivée-Gauvreau crée des installations textiles à partir de matériaux recyclés (plastique, tissus divers, etc.). Elle fait partie du duo de créatrices textiles Angora et d’OFF MuralEs, un collectif féministe d’artistes de street art. «J’oriente ma pratique autour d’une réflexion sur la décolonisation tout en étant solidaire avec les mouvements autochtones activistes», dit-elle. Elle a eu l’idée d’un tel projet lors d’un séjour d’études à Lyon, en France, l’automne dernier. Ce voyage avait d’ailleurs fait l’objet d’une série de chroniques intitulées Une Uqamienne à Lyon publiées sur le site d’Actualités UQAM. «L’artiste navajo Tom Greyeyes m’avait contactée là-bas après avoir vu sur le Web des photos de mon œuvre textile Decolonize Turtle Island. C’est après notre échange que le projet a germé. À mon retour, en janvier dernier, j’ai envoyé des courriels à quelques artistes que je connaissais, qui se sont tous montrés intéressés !», lance la jeune femme.