
Le colloque annuel du Groupe de recherche sur l’éducation éthique et l’éthique en éducation (GRÉÉ), qui aura lieu le 11 avril prochain, portera sur un sujet délicat : la religion à l’école en lien avec l’éthique professionnelle de l’enseignant. «Les enseignants des cours d’éthique et culture religieuse sont tenus de respecter une certaine posture professionnelle spécifiant qu’ils doivent être impartiaux et objectifs», précise la professeure Nancy Bouchard, responsable du colloque et directrice du GRÉÉ, un groupe fondé en 2009 qui rassemble plusieurs chercheurs québécois et étrangers du domaine des sciences humaines qui s’intéressent à l’éthique dans le milieu de l’éducation. «On n’enseigne pas cette matière comme on le fait pour les mathématiques ou le français, poursuit la professeure du Département de sciences des religions. Le rôle de l’enseignant est d’être un passeur culturel, de susciter la réflexion sans faire valoir ses points de vue, ses valeurs et ses croyances.»

Rappelons que le programme Éthique et culture religieuse (ECR) est obligatoire depuis 2008 pour tous les élèves du primaire et du secondaire fréquentant les écoles publiques et privées. Ce programme remplace l’enseignement religieux (catholique et protestant) et l’enseignement moral, jusqu’alors dispensés dans les écoles. L’élève apprend à réfléchir sur des sujets comme la justice, le bonheur et les lois, à mieux comprendre la place du catholicisme et du protestantisme dans l’héritage religieux du Québec ainsi qu’à mieux connaître les traditions religieuses anciennes et récentes que l’on retrouve dans la société québécoise. «Il s’agit de doter les élèves d’une culture du phénomène religieux, rappelle Nancy Bouchard. Un des éléments clés du programme vise l’apprentissage du dialogue avec les autres.»
Le colloque, qui présentera essentiellement les travaux récents des membres du GRÉÉ, sera l’occasion non pas de débattre mais de réfléchir au programme ECR et aux différentes manières de présenter la matière et de l’enseigner. «Entre ce que le programme indique de faire et ce que les enseignants en éthique et culture religieuse font en classe, il peut y avoir une très grande diversité de contextes, de milieux et d’élèves, note la professeure. Plusieurs interprétations sont possibles.» La neutralité de l’enseignant est une question qui interpelle également les chercheurs. «Certains chercheurs pensent que l’enseignant en ECR ne peut pas être impartial et objectif parce que le contenu du programme n’est pas neutre; d’autres chercheurs affirment qu’il doit tout de même rester objectif», fait remarquer Nancy Bouchard.
Plusieurs chercheurs se pencheront sur le code vestimentaire et le port de symboles religieux chez les enseignants. Si un enseignant reste impartial et objectif dans ses propos et dans son attitude, mais arbore un symbole reflétant sa croyance ou son incroyance, déroge-t-il au programme d’enseignement? Fait-il preuve d’un manque d’éthique professionnelle? Comment dans sa personnalité et son code vestimentaire doit-il rester impartial? «Il s’agit, dans un premier temps, de dresser un portrait de l’enseignant en ECR, résume Nancy Bouchard. La mise en place d’un tel programme depuis cinq ans soulève beaucoup de questions quant aux pratiques, à l’encadrement et à l’éthique des enseignants. Cela va bien au-delà du projet de Charte des valeurs québécoises.»
Un sujet chaud qui n’est tout de même pas sans rapport avec le projet de Charte: le port du hijab chez les enseignantes. Le juriste et spécialiste de l’Islam Jean-René Milot, professeur associé au Département de sciences des religions, en discutera dans le cadre de sa présentation intitulée «Le port du hijab: regards croisés sur une pratique à risques». «Beaucoup de choses ont été dites sur le port du foulard et il est difficile de départager tout cela, remarque Nancy Bouchard. Le port du hijab est-il une obligation religieuse? Une interprétation ou une pratique inscrite dans le Coran? Un symbole de liberté religieuse ou un symbole d’intégrisme? La présentation de Jean-René Milot remettra les pendules à l’heure. Il est essentiel de faire le point sur la question dans le contexte actuel québécois.»
Il est possible de s’inscrire au colloque à l’adresse suivante: http://gree.uqam.ca/activites-/130-visupemesup-colloque-du-gree.html. L’événement sera suivi du lancement des numéros de revues dirigées par des chercheurs du GRÉÉ au cours de l’année (2013-2014) dont Les Dossiers du GRÉE et la revue Frontières. Une vidéo des présentations sera mise en ligne après le colloque.