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Le savoir au service des collectivités

Le Service aux collectivités constitue un modèle unique et original qui fait l’envie d’autres universités.

Par Claude Gauvreau

27 janvier 2014 à 16 h 01

Mis à jour le 17 septembre 2014 à 19 h 09

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Blanche Paradis, coordonnatrice générale du Réseau des Tables régionales de groupes de femmes du Québec, et Sylvie Jochems, professeure à l’École de travail social, lors de l’événement Le SAC s’expose ! Photo: Nathalie St-Pierre.

Une centaine de personnes se sont réunies, le 27 janvier, dans le cadre de l’événement Le SAC s’expose !, qui s’est déroulé sous la présidence d’honneur de Lise Bissonnette, présidente du Conseil d’administration de l’UQAM. Organisé par le Service aux collectivités (SAC) de l’Université, cet événement visait à faire connaître les impacts sur plusieurs communautés de projets de recherche et de formation menés en partenariat par des chercheurs et divers groupes sociaux.

«Nous voulions partager avec des professeurs, des étudiants et des partenaires externes les fruits d’une quinzaine de projets qui se sont terminés en 2012-2013 ainsi que les retombées potentielles de près d’une centaine d’autres, toujours en cours», explique la directrice du SAC, Sylvie de Grosbois. Ces projets, coordonnés par son service, portent sur des thématiques diversifiées et comportent des enjeux reliés notamment à l’environnement, à la santé et à la citoyenneté: les dimensions biologiques et juridiques de l’hypersensibilité environnementale, le développement durable en milieu urbain, la prolifération des cyanobactéries au lac Bromont, l’éducation somatique auprès de femmes souffrant de dépression ou de troubles alimentaires, l’homophobie chez les jeunes, et bien d’autres.

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Sylvie de Grosbois, directrice du Service aux collectivités (SAC). Photo: Nathalie St-Pierre.

Le SAC a été créé à la suite de l’adoption par l’UQAM d’une politique institutionnelle de services aux collectivités, en 1979, afin de permettre à des groupes et à des communautés d’avoir accès au savoir universitaire: organismes communautaires, groupes de femmes, syndicats. Cette politique, qui s’est d’abord incarnée dans le SAC, a aussi favorisé au fil des ans le déploiement dans différentes facultés de projets de recherche en partenariat avec des collectivités.

«Dans d’autres universités, des chercheurs travaillent également en collaboration avec des groupes sociaux, observe Sylvie de Grosbois. Ce qui distingue l’UQAM, toutefois, c’est le fait qu’elle ait institutionnalisé cette pratique et qu’elle ait créé une entité – le SAC – pour jouer un rôle d’interface entre les chercheurs et des organismes externes.» Ce modèle original et unique fait d’ailleurs l’envie d’autres universités au pays, souligne la directrice. «Le vice-recteur à la Recherche et à la création, Yves Mauffette, et moi-même, avons été sollicités pour écrire un article sur la recherche partenariale au Québec et sur le modèle uqamien, qui sera publié dans le prochain numéro de Global University Network for Innovation.

Des savoirs complémentaires

Les organismes subventionnaires accordent de plus en plus d’importance au transfert des connaissances universitaires. L’approche du SAC, cependant, va plus loin. «Nous mettons davantage l’accent sur la mise en commun de savoirs complémentaires – l’expertise des chercheurs et les connaissances de terrain des groupes sociaux –  autour d’une thématique donnée, afin de contribuer à une meilleure compréhension, voire à la résolution, de problèmes, sociaux, économiques, environnementaux ou culturels, explique Sylvie de Grosbois. Les chercheurs et les représentants des groupes possèdent de part et d’autre différents morceaux d’un casse-tête. En collaborant, ils peuvent assembler tous les morceaux et générer ainsi de nouveaux savoirs. C’est une démarche complexe et exigeante, mais extrêmement porteuse et enrichissante pour tout le monde.»

Les chercheurs de l’UQAM et leurs partenaires ont souvent travaillé autour d’enjeux émergents, dont l’importance pour la société n’a été reconnue que plus tard. «Il y a quelques années, la professeure Ruth Rose, du Département des sciences économiques, aujourd’hui retraitée, s’était penchée avec des groupes communautaires sur les difficultés que rencontraient des femmes à réintégrer le marché de l’emploi à la suite d’un congé de maternité. Les résultats de leurs recherches ont inspiré la politique des services de garde à 7 dollars. Ce sont aussi des chercheurs de l’UQAM et leurs partenaires qui ont été parmi les premiers à saisir l’importance socioéconomique pour le Québec du développement local et régional», souligne la directrice du SAC. 

Présents à toutes les étapes

Branchés sur les réalités des collectivités, les professionnels du SAC travaillent à jeter des ponts entre les professeurs et les organismes sociaux. «Dans la plupart des cas, ce sont les groupes qui viennent nous voir, note Sylvie de Grosbois. Leurs demandes ne sont pas toujours précises au départ, mais nous les aidons à mieux définir leurs besoins et les mettons en contact avec des professeurs pour qu’ils construisent un projet autour d’objectifs communs. Nous sommes présents à toutes les étapes de la démarche, de l’élaboration d’un projet à la diffusion de ses résultats.»

Il arrive aussi que des professeurs approchent le SAC parce qu’ils veulent travailler à un projet avec des partenaires externes. C’est le cas, par exemple, de ce professeur intéressé à collaborer avec des organisations syndicales dans le cadre d’une recherche sur l’histoire des lois spéciales dans le monde du travail au Québec.

La politique de l’Université en matière de services aux collectivités fait en sorte que les activités de recherche et de formation (séminaires, conférences, ateliers de discussion) des professeurs qui participent aux projets soutenus par le SAC soient reconnues et intégrées dans la définition de leur tâche. Elle prévoit également la constitution d’une banque de dégrèvements d’enseignement et un volet de subventions pour la recherche. «Une façon de faire toute uqamienne», souligne la directrice du SAC.»

Des retombées multiples

L’Écomusée du fier monde, à Montréal, tisse des liens étroits avec le Service aux collectivités depuis le début des années 80. Récemment, Catherine Trudelle, professeure au Département de géographie et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les conflits socioterritoriaux et la gouvernance locale, a développé en collaboration avec l’Écomusée le projet de formation et d’exposition Habiter des villes durables, appuyé par le SAC. L’objectif était de susciter une réflexion sur le développement durable en milieu urbain et d’aider les citoyens à acquérir des connaissances dans ce domaine pour qu’ils puissent améliorer l’équilibre entre leur qualité de vie et leur environnement.

Quelque 2 700 personnes ont vu l’exposition itinérante à l’extérieur de Montréal. «L’exposition, qui abordait les thèmes Se logerSe déplacer et Consommer, a d’abord été présentée à l’Écomusée en 2009-2010, puis a circulé dans quatre autres villes du Québec – Longueuil, Laval, Sherbrooke et Québec – où des assocations locales de citoyens ont pu se l’approprier», explique René Binette, directeur de l’Écomusée. Le projet a aussi permis d’offrir des ateliers de formation sur le développement durable et la gouvernance locale, de favoriser la visibilité des groupes partenaires dans leur milieu et d’identifier des enjeux locaux de développement.

Relais-femmes, un organisme de liaison et de soutien représentant une centaine de groupes de femmes au Québec, a renouvelé en 2012 son protocole d’entente avec l’UQAM datant de 1982. Géré par le SAC, ce protocole a permis d’associer des groupes de femmes et des chercheuses de l’UQAM, notamment de l’Institut de recherches et d’études féministes (IREF) et du Centre interdisciplinaire de recherche sur le bien-être, la société et l’environnement (CINBIOSE), autour de nombreux projets de recherche et de formation: exploitation des aides familiales, interventions en matière de violence conjugale, impacts du libre échange sur les conditions de vie et de travail des femmes, etc.

«Un des projets qui a mobilisé beaucoup de nos énergies, et auquel le SAC a été étroitement associé, a été la création en 2008 du régime de retraite par financement salarial des groupes communautaires et de femmes, regroupant quelque 3 000 personnes, souligne Lise Gervais, coordonnatrice générale de Relais-femmes. Actuellement, nous travaillons avec des professeures de l’UQAM à la mise sur pied d’un pôle de recherche sur le thème de l’intersectionnalité. L’objectif est de réfléchir aux défis soulevés par les formes particulières d’oppression et de discrimination que vivent les femmes immigrantes, autochtones et handicapées.»