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Pour une meilleure flexibilité au travail

Ariane Ollier-Malaterre s’intéresse à l’articulation entre vie professionnelle et personnelle.

Par Valérie Martin

12 juin 2014 à 17 h 06

Mis à jour le 17 septembre 2014 à 19 h 09

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istockphoto.com

Les murs du bureau d’Anna sont tapissés de photos et de dessins de ses enfants. «Un choix d’aménagement qui en dit beaucoup sur elle et sur son choix de partager avec ses collègues certains détails de sa vie privée», commente Ariane Ollier-Malaterre, professeure au Département d’organisation et ressources humaines. Certains employés laissent entrevoir leur vie privée; d’autres pas. Un tel ne répondra pas à son téléphone portable lors d’un entretien avec un client ou dans le cadre d’une réunion, sauf s’il y a urgence, alors qu’un autre prendra l’appel peu importe la situation.

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Ariane Ollier-Malaterre Photo: Émilie Tournevache

La chercheuse s’intéresse à l’interface travail-famille et en particulier aux différents moyens que les individus utilisent pour mettre des frontières entre vie professionnelle et vie privée. Elle a reçu en mai dernier le Prix de la recherche de l’ESG UQAM, dans la catégorie Relève, remis chaque année à un professeur ayant débuté sa carrière depuis moins de sept ans.

Les réseaux sociaux nous obligent aussi à gérer les frontières entre vie personnelle et vie professionnelle, observe Ariane Ollier-Malaterre. «Nous sommes libres d’accepter ou pas les requêtes Facebook de nos collègues ou de notre patron. Je dis par exemple à mes étudiants que je n’accepte pas leurs requêtes sur Facebook, mais que je n’hésite pas à les accepter sur LinkedIn parce que c’est un réseau professionnel», explique la professeure.

Ariane Ollier-Malaterre mène actuellement des recherches sur les stratégies adoptées par les usagers des médias sociaux afin de recréer des frontières. Les stratégies vont du contrôle de l’audience au recours à différents filtres pour cacher du contenu à certains usagers. Le contenu publié sur Facebook peut avoir des répercussions sur la vie professionnelle des individus. «Je dois y penser à deux fois avant de mettre en ligne sur ma page des photos de mes dernières vacances à la mer en famille où l’on me voit en maillot de bain! Cela pourrait nuire à ma crédibilité de professeure», illustre Ariane Ollier-Malaterre.

La professeure compte mener d’autres recherches sur les réseaux sociaux, dont une visant à mesurer leurs impacts sur la performance et la cohésion des équipes. «Les réseaux sociaux créent-ils des conflits ou stimulent-ils plutôt les équipes de travail? Aident-ils les employés à mieux se connaître?» s’interroge la professeure, qui souhaite conduire cette recherche dans des entreprises de différents domaines. Une deuxième recherche évaluera le soutien social apporté par les superviseurs et les collègues. «Nous cherchons à mieux comprendre l’importance des collègues et des superviseurs au quotidien.»

Une minirévolution du travail?

La flexibilité est un des enjeux actuels du monde du travail. Afin de mieux répondre aux besoins particuliers des travailleurs qui doivent prendre soin de leurs familles ou accomplir des tâches qui nécessitent de s’absenter du bureau, Ariane Ollier-Malaterre plaide pour une réévaluation du travail basée sur l’évaluation des résultats plutôt que sur les heures passées au bureau.

«Ce qui compte, ce sont les résultats, martèle la professeure. Peu importe que vous rédigiez votre rapport après 19 h si votre fille est malade ou que vous le fassiez au parc si cela vous chante, tant que vous le remettez à temps. Cela ne veut pas dire que vous travaillerez moins d’heures, ce n’est pas le Club Med!»

Le réaménagement du temps de travail nécessite d’établir une bonne relation de confiance entre le patron et son employé, note la chercheuse. «Les individus veulent être gérés comme des personnes qui ont des vies, des aspirations et des tâches personnelles à accomplir et non comme des ressources humaines. Ils veulent être respectés.»

La flexibilité au travail permet d’augmenter la motivation et la productivité des travailleurs. «Dans un contexte économique où l’on ne peut pas promettre des promotions importantes, des primes et des augmentations de salaire à l’infini, il reste la motivation, l’autonomie et la flexibilité au travail», dit Ariane Ollier-Malaterre.

Pour obtenir une journée de télétravail ou des horaires plus flexibles, la professeure est d’avis qu’il faut que soit établi «le droit de demander». «Il ne faut pas hésiter à prendre rendez-vous avec son superviseur afin de discuter d’un aménagement de son temps de travail. Il ne coûte rien de le demander et cela n’oblige pas le gestionnaire à acquiescer à la demande.» Des aménagements qui fonctionnent sur une base de confiance et de réciprocité entre employés et employeur, «c’est gagnant-gagnant», soutient la chercheuse. «L’employé, l’employeur et la société y gagnent: les enfants peuvent ainsi voir leurs parents plus souvent et seront plus épanouis alors que les employés seront plus motivés à effectuer leurs tâches. C’est ce qu’on appelle du développement durable appliqué à l’humain.»