Chaque année au Québec, plus de 100 000 adultes retournent au cégep ou à l’université, que ce soit pour réorienter leur carrière ou parce que leur employeur les y encouragent. Plusieurs ne savent pas ce qui les attend et se heurtent à de nombreuses difficultés. C’est pour leur venir en aide que le professeur Christian Bégin a publié Le retour aux études au cégep ou à l’université (Caractère), un guide abordant les principaux défis d’un tel projet et regroupant plusieurs témoignages et anecdotes recueillis au fil des ans.
Christian Bégin était la personne la mieux placée pour écrire un tel ouvrage. Il a agi pendant près de 20 ans comme psychologue spécialisé en aide à l’apprentissage dans quelques cégeps, puis à l’Université de Montréal et à l’UQAM. Il a complété ses études doctorales parallèlement à son travail, puis a été embauché comme professeur au Département de didactique, dont il est aujourd’hui le directeur. «J’ai offert pendant une dizaine d’années un atelier portant spécifiquement sur le retour aux études, rappelle-t-il. Je connais donc bien le sujet et j’ai été surpris de constater qu’un tel ouvrage, basé sur des témoignages, n’existait pas sur le marché.»
Des expériences négatives
Dans l’avant-propos de l’ouvrage, l’auteur prévient ses lecteurs: les informations et les expériences décrites dans son livre sont souvent négatives et paraissent parfois éprouvantes. «Les gens qui effectuent un retour aux études vivent des expériences similaires même si leur passé scolaire, leur domaine d’études et leur contexte familial ou professionnel sont différents, explique-t-il. Je trouvais important de faire prendre conscience que ce qu’ils vivent est normal, qu’ils ne sont pas moins bons que les autres.»
«Les recherches sur l’abandon démontrent que les étudiants n’ayant subi aucun échec lors de leur première session sont plus susceptibles de compléter leurs études. C’est l’un des premiers facteurs associés à la diplomation.»
Christian bégin
Professeur au Département de didactique
Le premier chapitre aborde la préparation du retour aux études – le choix d’un programme et d’un régime d’étude (temps complet ou temps partiel), le dépôt d’une demande d’admission, l’inscription –, tandis que le second est consacré aux craintes – confiance en soi et doute, relations et comparaisons avec les autres étudiants (plus jeunes). «Les personnes qui tentent un retour aux études ont probablement connu bien peu d’occasions d’affronter en même temps autant de situations nouvelles et d’exigences, note-t-il. Leur projet implique obligatoirement une adaptation, ce qui n’a rien à voir avec leurs capacités intellectuelles.»
Le moment clé
La première session est le moment clé et cela est vrai pour le cégep comme pour l’université, peu importe le cycle d’études, insiste Christian Bégin. «Les recherches sur l’abandon démontrent que les étudiants n’ayant subi aucun échec lors de leur première session sont plus susceptibles de compléter leurs études. C’est l’un des premiers facteurs associés à la diplomation.»
C’est à cette étape que les nouveaux étudiants confrontent leurs attentes à la réalité. Et le choc est parfois brutal! Surtout au premier cours, note le chercheur. Pourquoi? «Parce que les étudiants croient qu’ils sont les seuls à ne comprendre à peu près rien de ce que dit le professeur! Cela peut même se reproduire dans chacun des cours lors de la première semaine, voire durant deux semaines consécutives. Il s’agit pourtant d’une étape normale et il y a des trucs pour faciliter l’adaptation.»
Beaucoup d’étudiants croient à tort que certaines de leurs difficultés sont causées par leur absence prolongée des bancs d’école, note Christian Bégin. «Dans la plupart des cas, cela relève de difficultés inhérentes aux études supérieures. Elles sont vécues tant par les étudiants en cheminement continu que par ceux qui effectuent un retour aux études, à temps complet ou à temps partiel.»
Les cycles supérieurs
Un chapitre du livre est consacré aux particularités touchant les études de cycles supérieurs. «Aux deuxième et troisième cycles, les étudiants n’apprennent pas des concepts et n’effectuent pas des travaux de synthèse, observe le professeur. Ils sont plutôt confrontés à un travail de réflexion, de mise en relation et d’écriture scientifique, des exigences auxquelles ils sont peu préparés.»
Christian Bégin insiste également sur l’importance de la relation entre l’étudiant et le directeur de recherche, qui fera d’ailleurs l’objet de son prochain ouvrage. «Je dis souvent aux étudiants: “Si votre directeur ne vous encadre pas assez à votre goût, c’est à vous de l’encadrer!”», dit-il en riant.
Les réactions de l’entourage
L’environnement social et le soutien familial sont cruciaux dans la réussite d’un projet de retour aux études, souligne le professeur dans le dernier chapitre de son ouvrage. «Si on vient d’une famille où personne n’a fait d’études supérieures, ce sera plus difficile, note-t-il. Certains membres de la famille reprocheront peut-être au nouvel étudiant d’utiliser un vocabulaire pointu, voire “snob”. Je suggère de laisser traîner un ouvrage de classe pour que le conjoint et les enfants y jettent un œil et comprennent que maîtriser un langage scientifique fait partie du processus de retour aux études.»
La satisfaction
Le professeur termine son ouvrage en soulignant l’importance de savourer pleinement les réalisations accomplies au fil des différentes étapes, notamment le sentiment de fierté quand on a remis un travail, réussi un examen ou complété un trimestre. «Cela permet de réactiver ce sentiment à volonté par la suite, surtout lorsque l’on vit des moments difficiles», conclut Christian Bégin.