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Lida Sara Nouraie: éprise de justice

La diplômée en sciences juridiques défend l’équilibre entre les droits individuels et ceux de la société.

Par Claude Gauvreau

10 avril 2014 à 8 h 04

Mis à jour le 16 octobre 2017 à 15 h 10

Série Tête-à-tête

Rencontre avec des diplômés inspirants, des leaders dans leur domaine, des innovateurs, des passionnés qui veulent rendre le monde meilleur.​

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Lida Sara Nouraie. Photo: Nathalie St-Pierre

Lida Sara Nouraie (LL.B., 04) a beau être haute comme trois pommes, elle n’est pas du genre à s’en laisser imposer. «Un bon avocat en droit criminel défend la présomption d’innocence et n’a pas peur de se tenir debout, s’il est convaincu d’avoir raison», dit avec un air résolu celle qui, en plus d’être chargée de cours au Département des sciences juridiques, pratique le droit criminel et pénal au sein du cabinet Desrosiers, Joncas, Massicotte. 

En début de carrière, cette jeune avocate de 32 ans collectionne déjà les honneurs. L’Association du Jeune Barreau de Montréal lui a décerné le prix Avocate de l’année – pro bono, en 2007 (pour son implication professionnelle et sociale), puis le prix Avocate de l’année – droit criminel, en 2012.  Elle a également reçu de l’Association des avocats de la défense de Montréal (AADM) le prix Gabriel-Lapointe en 2012, une distinction récompensant une carrière prometteuse, et le prix Robert Sacchitelle en 2013, soulignant sa performance remarquable lors d’une plaidoirie à la Cour suprême du Canada, relativement à une cause de meurtre.

Née au Québec de parents iraniens, Lida Sara Nouraie a développé très tôt un intérêt pour l’univers du droit. «Petite, j’adorais les téléséries qui se déroulaient dans les cours de justice et j’étais toujours prête à argumenter avec les gens de mon entourage.»  

Au début des années 2000, elle s’inscrit au certificat en droit social et du travail de l’UQAM, puis au baccalauréat en droit. «Ma passion pour le droit criminel a germé à cette époque, souligne l’avocate. Deux choses me fascinaient: le principe de présomption d’innocence et la recherche de l’équilibre entre les droits individuels et ceux de la société.»

En 2002, inspirée par le travail d’une organisation pancanadienne basée à Toronto – l’Association in Defence of the Wrongly Convicted (AIDWICK) –, Lida Sara Nouraie fonde à l’UQAM le premier Projet Innocence Québec, un organisme sans but lucratif qui vient en aide à des personnes se disant victimes d’erreurs judiciaires et qui ont épuisé tous leurs recours devant les tribunaux et qui souhaitent faire réviser leur condamnation.  Projet Innocence Québec, auquel collaborent des étudiants de l’UQAM, planche aujourd’hui sur près d’une dizaine de dossiers, dont certains ont été soumis au ministre fédéral de la Justice. «Les enquêtes peuvent durer plusieurs mois, voire des années, dit l’avocate. Si une demande de révision est rejetée, nous disposons d’un an pour trouver un fait nouveau et significatif, qui témoigne d’une irrégularité grave dans le déroulement du processus judiciaire.»

Depuis 2006, la jeune femme consacre aussi quelque 20 heures par semaine à son rôle d’avocate conseillère auprès de la Société Élisabeth Fry du Québec. Fondé en 1977, cet organisme aide chaque année 300 femmes incarcérées ou l’ayant été à réintégrer la société. Issues pour la plupart de milieux défavorisés et sous-scolarisés, près de 80 % d’entre elles ont été victimes de violence sexuelle ou physique et éprouvent des problèmes de polytoxicomanie. «Il faut non seulement défendre les intérêts de ces femmes particulièrement vulnérables, mais aussi sensibiliser les autorités et l’opinion publique à leur réalité», soutient Lida Sara Nouraie.

Entre ses diverses occupations, l’avocate ne voit pas le temps passer. «Pour moi, faire du bénévolat, ce n’est pas une obligation, dit-elle. Savoir que j’ai pu aider quelqu’un concrètement, c’est ce qui me procure le plus de satisfaction.»  

Lida Sara Nouraie  n’est pas prête à souscrire à l’idée, largement répandue, selon laquelle un recours à des peines plus sévères permettrait de mieux protéger la société. «Chaque cas en est un d’espèce, observe-t-elle. Il faut se demander chaque fois en quoi l’emprisonnement constituerait le meilleur remède, car l’univers carcéral peut endurcir et conforter dans la voie de la délinquance ou du crime.» La juriste croit en la prévention, en la réadaptation et en la réinsertion sociale, afin justement de protéger la société à long terme. «Mais encore faut-il que les ressources soient adéquates et suffisantes, souligne-t-elle. J’ai eu un client qui, le jour où il est sorti de prison après avoir purgé une peine de deux ans, n’avait aucune idée où aller. Tout ce qu’il avait en poche, c’était un billet d’autobus.»  

Bien qu’elle soit accaparée par ses longues journées de travail, la jeune femme s’est fixé un objectif qui lui tient particulièrement à cœur. «J’aimerais que les Projets Innocence Québec, actuellement dispersés dans différentes universités à Montréal et sans liens entre eux, soient un jour rassemblés au sein d’un même organisme provincial. Cela permettrait d’accroître l’efficacité et l’impact des actions», lance Lida Sara Nouraie sur un ton toujours aussi décidé.

Source:
INTER, magazine de l’Université du Québec à Montréal, Vol. 12, no 1, printemps 2014.