
La réalité des femmes itinérantes est généralement méconnue, voire ignorée. Afin de leur donner une voix, Claude Majeau, étudiante à la maîtrise en arts visuels et médiatiques, a organisé l’exposition Risquer le rêve à plusieurs, en collaboration avec l’auberge Madeleine, une maison d’hébergement située dans le quartier centre-sud de Montréal. Présentée du 15 mai au 8 juin à l’Écomusée du fier monde, l’exposition propose une série d’œuvres picturales et numériques réalisées par des femmes sans-abri.
Risquer le rêve à plusieurs réunit huit toiles, une œuvre numérique, deux vidéos documentaires, des enregistrements sonores et des photos. «Les œuvres de ces femmes peu scolarisées, âgées entre 18 et 75 ans, sont à la fois étonnantes et émouvantes, dit Claude Majeau. Elles expriment leurs besoins – un toit, un lit, de la nourriture – leurs sentiments de soulagement et de sécurité quand elles arrivent à l’auberge, puis l’écoute et l’intimité qu’elles y trouvent.»
Ce projet d’art communautaire est né il y a deux ans. «Ayant travaillé longtemps comme organisatrice communautaire dans le domaine du logement, je connaissais déjà les gens de l’auberge Madeleine, raconte l’étudiante. Ce sont eux qui m’ont contactée et soumis le projet. L’objectif était d’impliquer les femmes sans-abri dans un processus de création en vue de célébrer les 30 ans d’existence de l’auberge et de souligner son déménagement dans un autre quartier de Montréal.»
Représenter des espaces de vie
Ces deux dernières années, avec l’aide des intervenantes de l’auberge, Claude Majeau a tenu 25 ateliers de création auxquels ont participé une soixantaine de femmes itinérantes. «Les rencontres ont porté sur la façon de représenter symboliquement leur univers quotidien, en particulier leurs espaces de vie à l’auberge, dit-elle. Nous avons travaillé sur de grandes toiles pour illustrer, entre autres, l’espace intime de la chambre et aussi les lieux de rencontre que sont la cuisine, la salle à manger et le salon.»
Durant le processus de création, elle a pris des photos, réalisé des enregistrements sonores et rassemblé des témoignages d’itinérantes. «Tout ce matériel, composé d’images, de sons et de mots choisis par une dizaine de femmes, a servi à générer une œuvre numérique interactive», souligne l’étudiante. Cette œuvre a d’ailleurs été présentée au Centre de recherche Hexagram en arts numériques, à l’Université Concordia et à l’événement Fin novembre, un lieu de rencontre festif entre citoyens et sans-abri organisé chaque année par le duo d’artistes Annie Roy et Pierre Allard de l’Action terroriste socialement acceptable (ATSA).
Avant d’entreprendre ses études de maîtrise, Claude Majeau a obtenu un baccalauréat en enseignement des arts à l’UQAM et a enseigné les arts plastiques dans différentes écoles, notamment en milieu défavorisé. «Je veux utiliser l’approche de l’art communautaire dans ma pratique d’enseignante parce que ce type d’art favorise la création d’un lien social, en particulier avec des personnes marginalisées, dit-elle. C’est cela qu’a permis le projet d’exposition avec les femmes sans-abri de l’auberge Madeleine, une expérience qui leur a redonné de la dignité.»