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L’art et les citoyens

Des projets artistiques font le bonheur des Montréalais, des artistes et des organismes participants.

Par Valérie Martin

9 juin 2014 à 10 h 06

Mis à jour le 17 septembre 2014 à 19 h 09

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Camp de jour Les P’tits loup. Photo: Daphnée Cyr

Organisé par le Festival du nouveau cinéma et la Fondation du docteur Julien, le camp de jour Les P’tits loups accueille depuis 2008 des enfants en difficulté provenant de quartiers défavorisés. Sous la supervision de vidéastes professionnels, les jeunes apprennent les rudiments du cinéma et réalisent des courts métrages qui sont par la suite diffusés dans le cadre du Festival. Dans l’arrondissement Saint-Laurent, des artistes issus de diverses disciplines ont participé en 2010 à une série de rencontres autour du conte en compagnie de nouveaux arrivants en apprentissage du français. Les rencontres ont mené à la réalisation d’un livret illustré et d’un CD de contes.

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Louis Jacob. Photo: Émilie Tournevache

Ces projets artistiques, jumelant des citoyens ayant peu accès à la culture à des artistes et des médiateurs (accompagnateurs) culturels, ont fait l’objet d’une étude partenariale menée par les professeurs Louis Jacob et Anouk Bélanger, du Département de sociologie. «L’objectif était de mesurer les effets des activités sur l’ensemble des participants – citoyens, artistes, médiateurs, organismes et autres partenaires – en leur donnant la parole et en récoltant leur point de vue sur l’activité pendant qu’elle se déroulait», explique Louis Jacob. Quatre autres projets de médiation culturelle, fort différents les uns des autres du fait de leur durée (durant l’année scolaire, dans le cadre d’un atelier, etc.), du lieu où ils se tenaient (camp de jour, classe, maison de la culture, bibliothèque), du médium choisi (la danse, la peinture, le conte, le cinéma) et de la clientèle ciblée (écoliers, personnes âgées, nouveaux arrivants), ont été analysés par les chercheurs.

«La caractéristique première de la médiation culturelle est de mettre en contact des gens qui autrement ne se rencontreraient probablement pas, avance le sociologue. La médiation culturelle permet de stimuler la participation active des personnes engagées, d’encourager l’expression et la créativité sous toutes ses formes et d’améliorer les conditions de vie.»

L’art et ses bienfaits

Le plaisir, l’enrichissement et l’épanouissement personnel, la possibilité de rencontrer des gens vivant des situations similaires, la joie d’apprendre et la satisfaction de créer ou de prendre part à une œuvre comptent parmi les effets immédiats des activités sur les citoyens. «Cette étude permet de constater que la médiation culturelle représente un nouvel espace de liberté pour les citoyens tout en donnant un sens à leur expérience», remarque le sociologue. Un projet comme «Bouge de là», mené par des chorégraphes offrant des spectacles et des ateliers de danse dans les écoles, a permis entre autres à des enfants turbulents de bouger autrement. En canalisant mieux leur énergie, ces écoliers ont pu suivre les directives et «servir de locomotives à leurs groupes. Cela a eu un grand impact sur leur estime de soi», précise Louis Jacob. Les médiateurs culturels impliqués ainsi que les artistes se disent pour leur part heureux de pouvoir enrichir et diversifier leurs pratiques. «Cela permet aux artistes de pratiquer en dehors de leur zone de confort, de sortir de leurs ateliers, de nourrir différemment leur créativité», ajoute le sociologue. Quant aux organismes participants, ils y voient l’occasion de «créer de nouveaux réseaux et de mettre sur pied différents types de collaboration.»

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Dessin réalisé par les participants du projet On se raconte. 

Le succès de tels projets repose en majeure partie sur l’engagement profond des artistes, des médiateurs et des organisations. «Cela demande une grande capacité d’adaptation, souligne Louis Jacob. Le projet sur papier peut différer du projet final: il faut trouver rapidement des solutions et ne pas hésiter à modifier les paramètres.»

Réalisée par la Ville de Montréal, l’étude, qui s’est échelonnée sur trois ans, fait suite à une première recherche qui visait à répertorier les activités de médiation culturelle à Montréal et à souligner l’engagement des artistes dans ce type d’activités. Selon Louis Jacob, la médiation culturelle fait désormais partie de l’environnement culturel de Montréal. Depuis l’adoption de la Politique de développement culturel de la Ville de Montréal qui a fait de la médiation culturelle une priorité, en 2005, plus de 900 projets ont vu le jour dans la ville, créant des échanges dynamiques et novateurs entre des créateurs et des citoyens marginalisés ou provenant de milieux défavorisés. «On retrouve aujourd’hui chez nos dirigeants politiques une plus grande volonté de démocratiser la culture, mais ces activités, qui, rappelons-le, ne disposent pas de budgets faramineux, n’ont pas toujours un avenir assuré», conclut le sociologue.