
On le répète ad nauseam depuis quelques années: l’inactivité physique est reliée à la spectaculaire augmentation des problèmes d’excès de poids et d’obésité chez les enfants et les adultes québécois. Or, il n’est pas nécessaire de faire du jogging ou de jouer au squash quotidiennement pour atteindre les objectifs fixés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en matière d’activité physique – 60 minutes par jour pour les enfants et 30 minutes par jour pour les adultes. Le vélo, la marche rapide ou toute autre activité sportive permet en effet de bénéficier des bienfaits de l’activité physique. «Pour donner le goût aux gens de sortir et de bouger, il faut toutefois leur offrir des espaces et des lieux conviviaux», affirme Sylvain Lefebvre. Le professeur du Département de géographie participera, à titre de directeur du Groupe de recherche sur les espaces festifs (GREF) de l’UQAM, au Sommet Montréal physiquement active, qui aura lieu les 22 et 23 mai au Centre intergénérationnel d’Outremont.
La genèse du projet
Constatant que les statistiques concernant l’inactivité physique ne s’améliorent pas (voir encadré), la Ville de Montréal, par l’entremise de sa Division des sports et de l’activité physique, a voulu donner un coup de barre. Au printemps 2012, elle a convoqué des experts de tous les milieux concernés à une journée de réflexion, qui avait lieu au Centre Claude-Robillard. «L’idée était de brasser des idées et de prendre connaissance de ce que chacun fait dans sa cour, dans le but de planifier des actions communes», précise Sylvain Lefebvre.
À la suite de cette journée d’échanges, une consultation publique a eu lieu à l’automne 2012. La question principale était: «Que devons-nous faire pour façonner notre ville et engager nos communautés afin que nos citoyens adoptent un mode vie physiquement actif?»
La Commission permanente sur la culture, le patrimoine et les sports, en charge de cette consultation, a recueilli 80 mémoires et 1000 recommandations provenant de plusieurs organismes, regroupements (dont le GREF) et citoyens interpellés par la problématique des saines habitudes de vie. Le Comité exécutif de la Ville de Montréal a accueilli favorablement les recommandations de la commission en septembre 2013.
En février et mars derniers, les 19 arrondissements de Montréal ont été invités à adhérer aux principes directeurs de la Charte de Toronto pour l’activité physique, laquelle invite les municipalités à agir en faveur de l’activité physique et du sport en implantant des mesures et des programmes à tous les niveaux, en rendant leurs installations et équipements davantage disponibles et accessibles, en exploitant mieux leur potentiel piétonnier et cyclable et en augmentant leurs services, leur soutien ainsi que la promotion de l’activité physique et du sport. Le conseil municipal de la Ville de Montréal a adhéré aux principes de cette charte en avril dernier.
Des statistiques alarmantes
– Une étude réalisée en 2004 révèle que 57 % des Québécois ont un excès de poids (obésité ou embonpoint).
– Entre 1978 et 2004, les problèmes d’excès de poids ont augmenté de 50 % chez les jeunes.
– Seulement 15,3 % des enfants montréalais atteignent le niveau d’activité physique recommandé par l’OMS, c’est-à-dire 60 minutes par jour. La proportion des filles qui s’y conforment, inférieure de moitié à celle des garçons, est alarmante.
– Seulement 42 % des Montréalais de 18 ans et plus atteignent la recommandation de 30 minutes d’activité physique par jour.
Un sommet pour aller plus loin
Le Sommet Montréal physiquement active permettra à quelque 350 intervenants de se réunir de nouveau. «Ce sera l’occasion d’adopter un projet de politique sur les saines habitudes de vie et de s’engager à poser des actions concrètes, comme l’ont fait les villes de Vancouver, Toronto et New York», explique Sylvain Lefebvre.
La première journée du sommet sera consacrée à la présentation des résultats détaillés de l’enquête TOPO sur la santé des Montréalais, réalisée par l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal. On y présentera également la Charte de Toronto pour l’activité physique. Quatre ateliers permettront d’aborder les thèmes suivants: aménager les milieux de vie, encourager le plein air et le transport actif, revaloriser le sport et les événements, promouvoir les saines habitudes de vie. Le directeur du GREF animera le premier atelier.
La deuxième journée sera consacrée à un panel d’invités qui présenteront des projets inspirants et à des discussions menant à l’adoption d’un projet de politique sur les saines habitudes de vie, de même qu’à l’adoption d’un plan d’action détaillant les engagements concrets de chacun des partenaires.
Le design actif
Sylvain Lefebvre compte présenter lors de ce sommet une proposition visant à créer, à l’instar de New York, un bureau de design actif à Montréal. «C’est du design urbain au profit de l’activité physique, explique Sylvain Lefebvre. On ne réinvente pas la roue. Il s’agit d’actions que l’on pose déjà à certains endroits, comme piétonniser des rues ou rétrécir les voies aux intersections, faire davantage de place aux vélos, ajouter de la végétation, etc.»
Tout cela va de pair avec les grands principes du développement durable qui prônent des villes et des quartiers à échelle humaine. «En somme, ce sont des efforts de réappropriation de la rue et des espaces publics pour redonner aux gens le goût de marcher et d’être physiquement actifs», résume le chercheur.
Ce type de mesures concorde avec le fait, révélé par des études, que les citadins préfèrent les activités libres et non encadrées, qui leur offrent de la souplesse dans l’organisation et les horaires. Mais cette spontanéité doit être encouragée par des espaces invitants, d’où l’importance du design actif. «Un bureau de design actif aurait pour mission, entre autres, de sensibiliser tous les services municipaux à l’importance d’adapter leurs pratiques pour faire du design actif une priorité, explique Sylvain Lefebvre. Si New York peut le faire avec la densité de son cadre bâti, Montréal le peut aussi!»
Plusieurs pôles d’activité physique montréalais (voir encadré) pourraient être améliorés en tenant compte des principes du design actif, note le chercheur. «Il s’agit souvent de détails cosmétiques qui n’en sont pas moins utiles et qui peuvent inciter les jeunes et les moins jeunes à s’approprier un endroit pour y être actifs: lampadaires, fontaines, abris contre le soleil, etc.»
Une chaire de recherche?
Sylvain Lefebvre évoque l’idée de créer une chaire de recherche sur le design actif en lien avec les saines habitudes de vie. «Dès le printemps 2012, on a vu le besoin de créer une entité qui centraliserait les données de recherche à propos de ce domaine et qui diffuserait ces informations aux décideurs. Ce pourrait être le mandat d’une chaire de recherche. Cela dit, voyons d’abord ce qui ressortira du sommet.»
Pôles sportifs de Montréal identifiés par le GREF
Pôles primaires
– Pôle Maisonneuve regroupant le Parc olympique, le Stade Saputo, le complexe muséal «Espace pour la vie», le Parc Maisonneuve et l’ensemble des espaces réservés au monde du sport fédéré.
– Parc Jean-Drapeau (Circuit Gilles-Villeneuve, Bassin olympique d’aviron et de canoë-kayak, Complexe aquatique de l’Île Sainte-Hélène, Parc d’amusement de la Ronde et l’ensemble des héritages de l’Exposition universelle de 1967).
Pôles secondaires
– Parc Jarry (Stade Uniprix, le Complexe d’entraînement de Tennis Canada et les divers équipements et espaces intérieurs).
– Pôle sportif Ahuntsic – Saint-Michel (Complexe sportif Claude-Robillard, Aréna Michel-Normandin et le TAZ).
– Parc du Mont-Royal
Pôles tertiaires
– Parc La Fontaine
– Centre Bell
– Stade Percival-Molson