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Révolte intérieure

Le finissant à la maîtrise en théâtre Abdelghafour Elaaziz est seul sur scène dans Besbouss: autopsie d’un révolté.

Par Valérie Martin

12 mai 2014 à 17 h 05

Mis à jour le 17 septembre 2014 à 19 h 09

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Abdelghafour Elaaziz. Photo: Yanick Macdonald

L’histoire remonte aux prémices du printemps arabe, près de trois semaines après l’immolation sur la place publique de Mohammed Bouazizi, un jeune marchand de fruits ambulant, dont le surnom était Besbouss. La pièce débute dans la nuit du 5 janvier 2011. Un médecin de l’État tunisien est chargé de l’autopsie du jeune marchand de fruits dans un sous-sol glauque d’un immeuble de l’État. C’est l’acteur d’origine marocaine Abdelghafour Elaaziz, finissant à la maîtrise en théâtre, qui joue le médecin, l’unique rôle de la pièce Besbouss: autopsie d’un révolté, présentée jusqu’au 17 mai prochain au Théâtre de Quat’Sous.

«C’est à lui que revient en quelque sorte la sale job, explique Abdelghafour Elaaziz, qui a tenu le rôle du bourreau dans le film Incendies du diplômé Denis Villeneuve. Durant cette nuit-là, le médecin essaie de comprendre pourquoi un jeune homme comme Bouazizi a pu commettre l’irréparable.» Une scène qui le renvoie également à sa propre histoire et à ses souvenirs. «Il prend conscience qu’il n’est plus l’homme qu’il était, celui qui, plus jeune, était animé d’un tel sentiment de révolte. Aujourd’hui, il est devenu un homme corrompu, qui a vendu son âme au diable», poursuit l’acteur.

Pour bien camper son rôle, Abdelghafour Elaaziz a participé à de nombreuses séances de lecture de la pièce en compagnie du dramaturge Stéphane Brulotte et du metteur en scène, Dominic Champagne. «Il s’agissait de peaufiner le personnage, de trouver le ton juste et de donner un souffle plus universel au texte et à l’histoire, dit le comédien. Étant moi-même d’origine maghrébine, je peux comprendre le monde arabe, l’absurdité de la dictature, et les désillusions du peuple tunisien qui ne croit pas que les choses peuvent changer.» Selon l’acteur, la pièce évite le piège du romantisme. «Besbouss n’est pas une pièce sur la révolution, mais sur le courage – celui d’affronter son passé et ses peurs –, et sur le désespoir qui peut ruiner une vie et une génération.»

Mémoire-création

Présenté une première fois en octobre 2012 à la salle Marie-Gérin-Lajoie, le mémoire-création d’Abdelghafour Elaaziz a été déposé ce printemps. Sous la direction des professeures Martine Beaulne et Marie-Christine Lesage, de l’École supérieure de théâtre, le projet, intitulé «L’homme dans l’ascenseur», comprend un extrait de la pièce La Mission du poète et dramaturge allemand Heiner Müller. «Je joue le rôle d’un homme prisonnier d’un ascenseur, de son angoisse et de son univers bureaucratique. C’est une pièce qui parle de la dictature et de l’aliénation des gens dans un système autoritaire», explique l’acteur. Le projet de recherche de l’étudiant intègre la vidéo, un travail effectué en collaboration avec la vidéaste et doctorante en sémiologie Line Dezainde.