Responsable de la mort de plus de 700 personnes en Guinée, au Liberia et au Sierra Leone, l’épidémie d’Ebola est la plus grave jamais recensée par l’Organisation mondiale de la santé. Le nombre de cas répertoriés a quadruplé au cours des deux derniers mois, plus de 1300 personnes ayant jusqu’à maintenant étant infectées. Un premier cas mortel d’Ebola a également atteint un 4e pays d’Afrique de l’Ouest, le Nigeria.
La situation, qui s’aggrave de jour en jour, est loin d’être maîtrisée. «La courbe de progression est exponentielle et n’a pas encore atteint de plateau, souligne François Audet, professeur au Département de management et technologie et directeur de l’Observatoire canadien sur les crises et l’action humanitaire. On observe une croissance importante des cas en Guinée et au Liberia notamment.»
Un virus virulent
Méconnu, l’Ebola existe depuis près de 40 ans. Les premières épidémies de ce virus, qui se transmet par contact direct avec le sang, les liquides organiques ou des tissus de personnes ou d’animaux infectés et qui se caractérise par des vomissements, des diarrhées et des hémorragies, se sont produites au Soudan et au Zaïre – actuelle République démocratique du Congo – en 1976. D’autres contaminations massives ont eu lieu en Afrique durant les années 1990 et 2000.
L’épidémie de 2014, qui a débuté en février, est d’une ampleur jamais vue dans l’histoire. «Le contexte dans ces trois pays est propice à l’éclosion: pauvreté, conditions d’hygiène difficiles, accès restreint à l’eau potable et aux toilettes, systèmes immunitaires faibles, augmentation de la proximité et des échanges durant les fêtes musulmanes de juillet. Tous ces facteurs combinés favorisent la contamination», explique celui qui a travaillé durant plus de 15 ans pour des organisations humanitaires en Afrique, notamment en tant que chef de la délégation régionale pour la Croix Rouge canadienne et directeur des programmes pour CARE Canada, et qui a vécu une épidémie de choléra aux Comores – archipel de l’Océan Indien – à la fin des années 1990.
Désintéressement de l’Occident?
Bien que le virus ait été contracté par un médecin canadien et deux Américains ayant travaillé en Afrique de l’Ouest, il n’y a toutefois pas lieu de craindre une épidémie d’Ebola en Occident, estime le professeur. «Si des cas survenaient en Amérique du Nord ou en Europe, on pourrait rapidement circonscrire le virus. Les autorités québécoises ont déjà commencé à se préparer en identifiant des hôpitaux prêts à gérer les cas.»
Maladie peu connue, circonscrite à l’Afrique et qui touche relativement peu de gens sur la planète, l’Ebola n’est malheureusement pas une priorité des pays occidentaux. «D’autres régions du monde, comme la bande de Gaza, l’Ukraine, la Syrie ou la Lybie, préoccupent actuellement davantage l’Occident», constate le professeur.
Le fait que ce virus soit propre à l’Afrique explique également qu’aucun vaccin n’existe pour l’enrayer. «Les compagnies biopharmaceutiques occidentales ne sont pas intéressées à investir dans un traitement préventif, souligne François Audet, en rappelent que la recherche sur le SIDA a pris son envol lorsque cette maladie a touché des Américains. On se contente d’apporter des solutions curatives.»
Limiter les dégâts
S’il n’existe pas de vaccin contre l’Ebola, comment l’Afrique de l’Ouest pourra-t-elle vaincre cette épidémie? «Il faut isoler rapidement les zones affectées et empêcher que le virus se propage à des pays limitrophes, comme le Mali, la Guinée-Bissau et la Côte d’Ivoire. La réaction rapide de l’OMS à gérer cette situation est un bon signe, et il faudra compter sur les ONG humanitaires sur le terrain. On ne pourra pas empêcher d’autres cas d’apparaître, mais il faut contingenter la situation.»