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Des maths sans papier ni crayon

Jérôme Proulx et son équipe s’intéressent à l’utilisation du calcul mental chez les élèves du secondaire.

Par Pierre-Etienne Caza

23 mai 2014 à 15 h 05

Mis à jour le 17 septembre 2014 à 19 h 09

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Un élève du primaire se prépare à effectuer une division. Il inscrit le dividende à gauche et trace le crochet à droite, dans lequel il indique le diviseur. Souvent, l’élève applique la méthode apprise sans se poser de question, obtenant un quotient et, le cas échéant, un reste. Que se passerait-il si on lui demandait d’effectuer une division semblable, mais cette fois sans papier ni crayon? «Il ne pourrait pas poser la division avec un crochet, car ce serait trop lourd et ce ne serait pas économique. Ça le forcerait à penser autrement et à trouver une autre stratégie pour résoudre la même tâche», observe Jérôme Proulx. Le professeur du Département de mathématiques s’intéresse depuis 2011 à l’utilisation du calcul mental en mathématiques dans les classes du primaire et du secondaire. Il vient d’obtenir une deuxième subvention du CRSH – cette fois de 215 000 $ sur 5 ans – afin de poursuivre son programme de recherche sur le sujet.

Plusieurs travaux scientifiques ont été réalisés sur le calcul mental en arithmétique – addition, soustraction, multiplication, division et autres opérations sur les nombres. Le but de l’équipe de recherche est d’explorer la possibilité d’utiliser le calcul mental pour d’autres thèmes mathématiques, comme la géométrie, la trigonométrie, l’algèbre et les fonctions. Pour bien cerner son sujet de recherche, Jérôme Proulx s’est d’abord rendu dans quelques classes du primaire et du secondaire. «C’est en faisant du calcul mental avec les élèves que j’ai compris ce que ça impliquait. C’est davantage eux qui nous en ont montré!», ajoute-t-il en riant.

Chacun sa stratégie

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Jérôme Proulx. Photo: Nathalie St-Pierre

Le projet de recherche qui vient d’être financé pour les cinq prochaines années s’attardera aux élèves du secondaire. Grâce à un partenariat avec une commission scolaire, il sera possible de suivre, en laboratoire, un même groupe d’élèves à partir de la première année du secondaire jusqu’à la cinquième. Différents sujets en didactique des mathématiques seront étudiés. «En ce qui concerne le calcul mental, nous prévoyons développer un thème différent chaque année, que ce soit l’algèbre, les fonctions, la trigonométrie, les statistiques ou la géométrie», précise le professeur.

Lors des séances, qui auront lieu dans l’une des deux salles actuelles du laboratoire, une quinzaine d’élèves se verront soumettre des tâches mathématiques. Ils auront alors 15 à 20 secondes pour résoudre chacune mentalement.

Exemples de tâches de calcul mental

Algèbre

Résous pour x : 5x+6+4x+3=1+9x ou 6/x=3/5

Statistique

Établis la moyenne de cette distribution: 0, 0, 4, 2, 4.

Et, qu’arrive-t-il si on ajoute une donnée, soit 2.

Et encore, si on ajoute maintenant la donnée 0?

Fonctions

Soit deux fonctions f(x)=|x| et g(x)=x, déterminez la fonction résultante de f + g

Trigonométrie

Quel est le point sur le cercle trigonométrique le plus près de π/6 ?

9π/4     25π/12     7π/4    22π/12

Le but est bien sûr de résoudre la tâche, mais c’est le processus qui intéresse les chercheurs, note Jérôme Proulx. «L’élève doit trouver une façon d’entrer dans le problème. Puisqu’il ne peut pas nécessairement utiliser sa mécanique d’algorithme apprise en classe, il se retrouve en situation de création. Notre intérêt est d’observer les stratégies qu’il développe. C’est tout un défi et les résultats sont parfois surprenants! On échange ensuite avec les élèves pour comprendre leurs raisonnements.»

Confrontés à une tâche identique, il n’est pas rare que les élèves fournissent trois, quatre ou même cinq façons différentes de la solutionner, poursuit le chercheur. «Par exemple, si je donne la tâche suivante: 6/x = 3/5. Des élèves vont la résoudre avec le produit croisé: 3x devrait être égal à 30 donc x vaut 10. D’autres élèves résolvent cette tâche de façon proportionnelle: 6 est le double de 3 donc x doit être le double de 5, soit 10. Mais ce faisant, on pourrait dire qu’ils ne sont pas en train de résoudre le même problème. L’un résout un problème de produits croisés, l’autre un problème de proportionnalité. Ce sont deux problèmes bien différents en termes de conceptualisation. C’est fascinant! Les élèves sont ingénieux!»

En mode exploratoire

Jérôme Proulx n’a pas la prétention de révolutionner l’enseignement des mathématiques ni même d’en arriver à modifier les pratiques des enseignants. «Il s’agit d’une étude exploratoire née d’une curiosité à l’égard des possibilités liées à l’utilisation du calcul mental», précise-t-il.

Cela dit, plusieurs recherches antérieures ont souligné les bénéfices du calcul mental pour introduire de nouvelles notions avant même d’utiliser le papier-crayon. «Le principal défi est de concocter des tâches accessibles, donc pas trop complexes, mais qui représentent néanmoins un défi, note le professeur. Voilà pourquoi nous travaillons en étroite collaboration avec les enseignants.»

L’équipe et le labo

L’équipe du laboratoire dirigé par le professeur Proulx et son collègue Jean-François Maheux compte actuellement une stagiaire postdoctorale, une doctorante, deux étudiants à la maîtrise et deux stagiaires du baccalauréat. «Ils sont impliqués à titre d’assistants de recherche sur le projet, précise Jérôme Proulx. Ils construisent les tâches, participent aux séances avec les élèves et travaillent avec nous à l’analyse des données.»

Les locaux du laboratoire sont situés au rez-de-chaussée du SB. «Nous avons bénéficié du soutien de la Faculté des sciences et du Département des sciences biologiques afin de dénicher ces locaux et nous leur en sommes reconnaissants», ajoute Jérôme Proulx.