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De la performance au théâtre

L’artiste multidisciplinaire Claudia Bernal propose une relecture de textes de Gabriel Garcia Marquez.

Par Valérie Martin

8 décembre 2014 à 11 h 12

Mis à jour le 8 décembre 2014 à 11 h 12

On décrit Claudia Bernal comme une artiste multidisciplinaire engagée et féministe. Montréalaise depuis 1991, cette candidate à la maîtrise en théâtre, née à Bogota, en Colombie, s’est d’abord fait connaître comme peintre avant de se tourner vers l’installation, la vidéo et la performance. Depuis le début des années 2000, ses œuvres, qui font notamment partie des collections de la Banque nationale du Canada et de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, ont été exposées dans plusieurs maisons de la culture à Montréal, à Toronto et à Vancouver, ainsi qu’en Argentine, en Colombie, au Mexique, à Cuba et en Espagne. Plusieurs fois boursière du Conseil des arts du Canada, du Conseil des arts et des lettres du Québec et du Fonds de recherche sur la société et la culture (FRQSC), Claudia Bernal est membre du Comité d’évaluation en arts visuels du Conseil des arts de Montréal.

L’identité, la migration, l’espace et autres thématiques sociales et politiques sont au cœur des performances de l’artiste. Faits du même sang (2007) dénonçait les déplacements forcés des femmes colombiennes chassées de leur terre par la guérilla et les cartels de la drogue; Vert moisi est la couleur de l’oubli (2010) lui a été inspirée par la mort de soldats canadiens en Afghanistan; Chamanika Urbana (2006) témoignait de la discrimination subie par les populations autochtones à Mexico. «Je cherche à parler des autres – femmes, soldats, déracinés – à partir de ce qui me touche personnellement», explique Claudia Bernal.

Son œuvre la plus connue demeure Monument à Ciudad Juarez (2002-2006), une performance vidéo dédiée aux quelque 350 victimes d’un féminicide au Mexique. L’artiste avait reproduit plus de 300 urnes en terre cuite qu’elle avait disposées en spirale, formant ainsi une sorte de rituel funéraire. L’œuvre était complétée par une vidéo dans laquelle on pouvait voir des images de la ville de Juarez, de fils barbelés, d’ombres et de visages de femmes. «Monument à Ciudad Juarez a connu beaucoup de succès, se rappelle Claudia Bernal. Je l’ai présentée partout: au Mexique, la première fois, puis à Montréal, à Toronto et à Vancouver. Cette œuvre, la première d’une série abordant des sujets sociaux à partir d’une perspective féministe, a constitué un tournant dans mon travail.»

Nouvelle démarche artistique

En choisissant d’étudier en théâtre, la performeuse a eu envie d’explorer de nouvelles avenues. «Après 15 ans de carrière, j’avais besoin de nouveaux outils pour améliorer mes performances», explique celle qui détient également un baccalauréat en arts visuels de l’UQAM. Un jour, Claudia Bernal tombe sur une biographie de Gabriel Garcia Marquez, intitulée Une vie, qui lui donne envie de plonger dans l’œuvre du célèbre écrivain colombien. Un univers qu’elle connaît bien puisqu’elle a été bercée durant son enfance par les mots de celui que l’on surnommait Gabo. Trois récits tirés du recueil de nouvelles Des yeux de chien bleu de Garcia Marquez lui inspirent L’envers des îles blanches, sa toute dernière installation performative, présentée en octobre dernier au studio d’essai Claude-Gauvreau. Dirigée par la professeure Marie-Christine Lesage, une spécialiste de l’interdisciplinarité, cette œuvre constitue le cadre de son mémoire-création.

Garcia Marquez en sons et en images

L’installation performative crée un univers onirique où s’agencent des images, des mots, de la danse et des sons. Elle met en scène trois personnages féminins: une petite fille somnambule, une prostituée ayant tué son client et une vieille femme d’une grande beauté de retour sur Terre pour revisiter son passé. «Ces trois personnages m’ont permis de parler de ma propre identité, de mes souvenirs d’enfance», souligne Claudia Bernal. Elle signe la mise en scène et l’adaptation des textes, tout en interprétant les trois personnages principaux.

La performeuse a beaucoup travaillé sur la transposition visuelle et sonore du texte. «Je voulais créer une ambiance rappelant l’Amérique latine à l’aide notamment d’images vidéo et de voix enregistrées, dit-elle. J’ai effectué une recherche sur la langue et l’accent espagnols, qui font aussi partie de la matérialité sonore du texte.»

L’envers des îles blanches marque le début d’une nouvelle étape dans la démarche artistique de Claudia Bernal. Au cours de la prochaine année, elle compte présenter de nouveau sa pièce à Montréal, ainsi qu’en Colombie, en version originale, et à Toronto, en version anglaise-espagnole.