Sept diplômés de l’UQAM seront honorés à l’occasion du Gala Reconnaissance 2014 pour leur cheminement exemplaire et leur engagement. Ce texte est le troisième d’une série de sept articles présentant les lauréats.
Peu après avoir terminé son baccalauréat en chimie, Jacques Lesage (B.Sc. chimie, 81; M.Sc. chimie analytique, 88) a pris le chemin de l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST), qui l’a recruté pour effectuer des analyses d’échantillons d’air provenant de diverses industries québécoises. Trente-deux ans plus tard, il s’y trouve toujours. Entre temps, il est devenu un expert reconnu dans le domaine des isocyanates, un contaminant volatil causant l’asthme industriel. Il a complété sa maîtrise – toujours à l’UQAM – tout en mettant au point une méthode d’analyse et d’échantillonnage des isocyanates maintenant considérée comme un standard international. Et en 2003, il a accédé à la direction des laboratoires où il a commencé sa carrière.
«Il faut savoir saisir les chances qui se présentent à nous», dit le chimiste avec un sourire. Celui qui affirme avoir choisi les études en sciences parce qu’il aimait «résoudre des problèmes complexes» a ainsi mis à profit le défi qui s’est présenté à lui, dès ses premières années à l’IRSST, quand il a reçu le mandat de vérifier la présence, dans une entreprise du secteur des transports, d’un contaminant contenu dans les peintures et soupçonné de causer l’asthme professionnel, une maladie chronique. Au cours de l’année précédente, six travailleurs de cette usine avaient été indemnisés pour cette maladie causée, selon les médecins, par la présence d’isocyanates. «Le problème, c’est qu’on ne détectait pas d’isocyanates sur les lieux, raconte Jacques Lesage. Les analyses environnementales faites jusque-là contredisaient les évaluations médicales. Et la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) voulait savoir qui avait raison.»
Le chimiste travaillera pendant deux ans sur ce problème et en fera son projet de recherche à la maîtrise. «À l’époque, les isocyanates suscitaient un fort intérêt, note Jacques Lesage. En effet, la tragédie de Bhopal, en Inde, venait de survenir et les gaz qui s’étaient répandus lors de cette explosion, bien que très différents, étaient de la même famille.»
C’est tout naturellement que Jacques Lesage reprend le chemin de l’UQAM pour compléter sa maîtrise, tout en poursuivant son travail à l’IRSST. «Dès le baccalauréat, je suis allé à l’UQAM par choix alors que j’étais accepté dans d’autres universités, raconte-t-il. En effet, l’UQAM avait la réputation d’être orientée sur la pratique et de donner aux étudiants l’accès aux laboratoires et la possibilité de faire des manipulations. Dès cette époque, je savais que je voulais travailler sur des procédés concrets.»
Le dispositif d’échantillonnage qu’il a élaboré dans le cadre de son projet de maîtrise a été breveté en 1990 et est commercialisé depuis 1996. Ce dispositif a fait l’objet d’un standard ASTM international, un organisme de normalisation qui produit des normes techniques dans toutes sortes de domaines, des casques de vélo aux procédés industriels. «Obtenir cette certification prend deux à trois ans, car il faut un consensus de tous les membres consultés, explique Jacques Lesage. C’était la stratégie de la compagnie américaine qui a commercialisé la méthode de la faire d’abord reconnaître comme un standard international.».
Depuis ce temps, l’entreprise où il avait été mandaté pour détecter la présence des contaminants n’a plus jamais connu de cas d’asthme professionnel. «Au Québec, nous nous distinguons par notre approche de prévention et le réseau de la santé travaille beaucoup avec les entreprises, souligne le chimiste. Avec les bons outils, les compagnies sont en mesure d’exercer un contrôle de leurs processus de production et de faire en sorte de protéger leurs employés. D’ailleurs, il y a beaucoup moins de cas d’asthme professionnel au Québec qu’ailleurs.»
Depuis 2003, Jacques Lesage a pris la barre de la Direction des laboratoires de l’IRSST. «Aujourd’hui, je suis moins dans le “faire” et davantage dans le “faire faire”, dit le directeur. Mais trouver des idées et faire du développement, cela me passionne tout autant.»
Une autre des passions qu’il a développées au fil du temps, c’est la formation de la relève. Chargé de cours à l’UQAM, il enseigne entre autres le cours sur le contrôle de la qualité, obligatoire pour tous les étudiants en chimie et biochimie. Depuis 1996, il invite chaque année des étudiants à poursuivre des projets de recherche à l’IRSST. Vice-président du conseil d’administration de la Fondation de l’Association québécoise pour l’hygiène, la santé et la sécurité du travail (AQHSST), il recueille des fonds pour aider des jeunes à participer à des congrès et à des formations. «Former de bons scientifiques, c’est important», dit celui qui a consacré sa carrière à la salubrité des milieux de travail.