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Prescription : bouger!

On surveille de plus en plus la qualité de nos aliments. Sans réaliser que passer nos journées assis dans la voiture ou le bus, au bureau ou devant la télé est un véritable poison. Pour rester en santé, il n’y a pas de recette miracle : il faut bouger!

Par Marie-Claude Bourdon

15 avril 2013 à 0 h 04

Mis à jour le 28 août 2018 à 11 h 08

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Les installations du gym liquide au Centre sportif. Photo: Nathalie St-Pierre

Perdre du poids. Améliorer son apparence. C’est la principale motivation de ceux qui veulent commencer à faire de l’exercice. Et la santé? Au Québec, à peine 4 adultes sur 10 font le minimum nécessaire pour garder la forme : au moins 30 minutes d’activité d’intensité modérée (l’équivalent de la marche rapide) par jour ou 1 heure et demie d’activité intense par semaine. «La majorité des gens n’ont pas la qualité de vie à laquelle ils pourraient aspirer, déplore la kinésiologue Karine Larose (M.Sc. kinanthropologie, 07), directrice des communications chez Nautilus Plus. Faire de l’exercice, c’est aussi augmenter son sentiment de bien-être général, avoir un niveau d’énergie plus élevé et une meilleure qualité de sommeil. La santé, ce n’est pas seulement l’absence de maladies!»

Courir, jouer au volleyball, s’entraîner au gymnase, nager, marcher pour aller au travail : même si certaines sont plus efficaces que d’autres, toutes les formes d’exercice ont un effet sur la santé, affirme le professeur du Département de kinanthropologie Antony Karelis. «La sédentarité est un très grand facteur de risque pour l’obésité, les maladies cardio-vasculaires, le diabète et même le cancer, énumère-t-il. Une des choses les mieux établies dans la littérature scientifique, c’est que l’exercice améliore la santé.»

Depuis le temps que Kino Québec nous le rappelle, tout le monde le sait. Alors, pourquoi tant de gens ne réussissent-ils pas à entreprendre une démarche qu’ils savent essentielle à leur qualité de vie? «Ce n’est pas facile de motiver les gens et de les amener à conserver leur motivation, répond le professeur. Si l’on avait la réponse à cette question, nous aurions beaucoup moins de problèmes de santé dans la population.»

Pour la psychologue de la santé Lysanne Goyer (Ph.D. psychologie, 94), la seule Québécoise à avoir couru le marathon de l’Everest (le plus haut du monde, dont le départ est donné à plus de 5 000 mètres d’altitude!), la solution consiste à adopter la stratégie des petits pas. «La première fois que j’ai couru, dit cette mère de trois enfants, je n’ai pas fait un marathon. J’ai couru 30 minutes. Chaque personne, selon sa condition, doit se donner un objectif suffisamment modeste pour persévérer et suffisamment élevé pour entraîner un dépassement de soi. Dans le cas d’une personne qui ne bouge pas depuis 10 ans, peut-être qu’une marche rapide de 15 minutes par jour, ça suffit pour commencer.»

L’ambition démesurée est une erreur fréquente associée aux bonnes résolutions, confirme Karine Larose. «Rien ne sert de commencer avec six séances de gym par semaine pour finir par abandonner au bout de trois semaines, souligne-t-elle. Si, d’emblée, on est plus réaliste, il sera plus facile de garder le cap sur ses objectifs à long terme.»

Un mode de vie

Au lever du soleil, il est fascinant, dans certaines villes asiatiques, de voir les gens – y compris les personnes âgées – danser, faire des étirements ou du tai chi sur la place publique. Vice-présidente du réseau Énergie Cardio, Caroline Pitre (M.Sc. kinanthropologie, 94) insiste sur le fait que «l’on doit intégrer l’activité physique à son mode de vie pour toute la vie». En faire une discipline. «Il n’y a pas de recette, ni de livre, ni de programme d’exercice miracle, ajoute Lysanne Goyer. Se tenir en forme exige de la rigueur et de la constance.»

Animatrice au Centre sportif de l’UQAM, la kinésiologue Andrée Dionne (M.B.A., 07) suggère d’inscrire ses périodes d’activité physique à son agenda… et de refuser d’en déroger, comme s’il s’agissait de rendez-vous professionnels! «Le bon moment, dans nos vies surchargées, ne viendra jamais», dit-elle.

Pour s’aider, on peut adhérer à un programme de groupe, faire de l’exercice un prétexte à rencontrer des amis et même créer un groupe Facebook de gens qui s’entraînent ensemble. «Le plaisir de faire de l’activité physique est contagieux, observe Caroline Pitre. Plus on en entend parler, plus on en fait dans la famille et l’entourage, plus on sera porté à en faire soi-même.» Que les parents se le tiennent pour dit : «Les enfants et les adolescents qui ont déjà une pratique élevée d’activité physique auront beaucoup plus de facilité à rester actifs une fois adultes», souligne la professeure du Département de kinanthropologie Claudia Verret.

Mon coach et moi

Une autre stratégie gagnante, selon tous les experts, consiste à adopter un programme d’entraînement personnalisé supervisé par un coach. Dans le cadre de son mémoire de maîtrise, Karine Larose a comparé des personnes suivies par un entraîneur personnel avec d’autres qui s’entraînaient seules. «L’assiduité était nettement supérieure chez les individus qui avaient un entraîneur personnel», affirme-t-elle. Pour Antony Karelis, la question ne fait pas de doute : «La supervision est très importante, dit-il. Avoir une personne qui te surveille, c’est plus important que l’activité comme telle!»

L’entraîneur structure un programme adapté à la condition physique de chaque personne, à son horaire et à ses autres activités, précise Karine Larose. Dans un gymnase, il peut expliquer le fonctionnement des machines et s’assurer que les mouvements sont exécutés correctement. Et puis, avoir un rendez-vous avec un entraîneur oblige à se rendre jusqu’à la salle d’entraînement. «Une fois qu’on est là, on est content!» souligne Caroline Pitre.

En fait, même si on ne voit son entraîneur qu’une fois toutes les semaines ou même tous les mois, chaque entraînement sera plus efficace parce que l’on saura quoi faire et qu’on le fera mieux. On s’assurera aussi de progresser. «Une erreur fréquente, dit Caroline Pitre, c’est de faire la même chose – 30 minutes sur le tapis roulant avec la même intensité et la même inclinaison – semaine après semaine, pendant des mois!» Un entraîneur nous amènera à varier notre programme et à y inclure de nouveaux défis, ce qui constitue une source de motivation. 

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Un cours de gym liquide. Photo: Nathalie St-Pierre

Dans la même veine, Andrée Dionne souligne qu’un kinésiologue proposera à ceux qui ont des problèmes de santé un entraînement conçu selon leurs besoins. Au Centre sportif de l’UQAM, c’est ce que l’on fait, entre autres, pour chaque personne qui s’inscrit à la gym liquide, un nouveau programme (ouvert à tous, comme la plupart des programmes du centre) qui fait fureur. Il s’agit d’un entraînement en piscine, sur des équipements  de musculation, des vélos ou des tapis roulants aquatiques installés en eau peu profonde. Une merveille qui permet de s’entraîner en apesanteur… ou presque!  «La gym liquide est idéale pour les gens qui ont des problèmes au dos, au genou ou à la hanche, ou qui recommencent à s’entraîner après avoir subi une blessure, explique Andrée Dionne. Avec la gym liquide, il n’y a pratiquement plus personne pour qui il est impossible de faire de l’exercice.»

Certains souhaiteraient que les patients qui se font prescrire un programme d’activité physique par leur médecin reçoivent en même temps une référence en kinésiologie. Peu à peu, la pratique a commencé à se répandre, même si de nombreux médecins se contentent encore de laisser aller leurs patients avec de vagues conseils vite oubliés. «Idéalement, il faudrait que les services du kinésiologue soient remboursés par les assurances», précise Andrée Dionne. Et pourquoi pas, si cela permettait d’économiser de coûteux soins de santé?

 Dans bien des cas, les nouveaux adeptes au bilan de santé peu reluisant voient leur pression artérielle, leur taux de cholestérol ou de sucre sanguin baisser. «Plusieurs peuvent cesser de prendre leurs médicaments, souligne Karine Larose, ce qui constitue un puissant facteur de motivation.» L’activité physique stimule le système immunitaire, aide à perdre du poids, augmente la flexibilité, rend plus fort et procure une bonne dose d’énergie. «Déjà, après trois mois, les personnes qui s’entraînent régulièrement commencent à se sentir plus à l’aise, plus mobiles, elles ont plus de facilité à monter des escaliers sans s’essouffler, à attacher leurs souliers ou à porter des paquets», renchérit Caroline Pitre.

Bien dans son corps… et dans sa tête

Un mode de vie actif a aussi un effet important sur notre bien-être psychologique, note Antony Karelis. «Une personne en forme verra sa confiance en soi augmenter et aura plus de facilité à gérer son stress.» En entreprise, où les coûts reliés aux problèmes de santé mentale sont en explosion, on commence à se rendre compte des bénéfices de la prévention. «Il y a 10 ans, quand tu arrivais avec un programme de remise en forme, on te regardait avec un sourire, dit Lysanne Goyer, qui donne des conférences en milieu scolaire et professionnel  pour faire la promotion de saines habitudes de vie. Aujourd’hui, les entreprises te prennent au sérieux.»

Dans ses recherches, la professeure Claudia Verret étudie le développement des habiletés sociales par l’activité physique chez les enfants souffrant d’un déficit de l’attention. «Avec le sport, que ce soit le judo, le karaté ou les sports d’équipe, on les met dans des situations où ils travaillent directement sur leurs problèmes», dit-elle.

Déjà, dans son projet de doctorat, la chercheuse avait étudié les effets de l’activité physique chez ces enfants. Ses résultats avaient montré une amélioration du score global d’attention et un meilleur fonctionnement social, constaté à la fois par les parents et par les éducateurs. Des résultats appuyés par la littérature scientifique. «De plus en plus d’études démontrent les bienfaits de l’activité physique sur certaines composantes de la cognition (la mémoire de travail, le traitement de l’information, etc.) chez les personnes âgées, chez l’adulte en santé et maintenant chez les enfants», affirme Claudia Verret.

Tout le monde debout!

Antony Karelis prescrit à tous non seulement de faire de l’activité physique, mais aussi de s’entraîner par intervalles (en alternant les périodes de haute intensité avec des périodes d’intensité plus modérée), la méthode d’entraînement reconnue comme la plus efficace pour diminuer la mortalité, notamment chez les personnes souffrant de maladies cardiovasculaires. Il recommande aussi d’éviter de toutes les manières possibles les longues périodes en position assise.  «Plusieurs études démontrent que rester assis trop longtemps constitue un risque pour la santé, même si vous vous entraînez régulièrement, dit-il. Alors, levez-vous pour parler au téléphone, restez debout dans le métro ou dans les salles d’attente et évitez de vous assoir chaque fois que c’est possible!»

 À l’UQAM, le programme Défi énergie enjoint étudiants et employés à bouger une ou deux minutes à chaque heure de travail. «Rester assis 4 à 8 heures par jour est considéré comme un risque moyen et 8 à 11 heures par jour comme un risque élevé, dit Andrée Dionne. Il suffit d’additionner les heures que l’on passe à l’ordinateur, au volant de sa voiture et devant la télé pour voir que le compte monte vite!»

 Selon Antony Karelis, il faudra aussi, pour lutter contre la sédentarité, obliger les gens à bouger. «Il faut construire des édifices à bureaux où les gens peuvent se déplacer d’un étage à l’autre en prenant les escaliers et réserver les ascenseurs aux usages essentiels, dit-il. Il faut fermer le centre-ville aux automobiles et amener les gens à marcher ou à prendre leur vélo pour se rendre d’un endroit à l’autre. Donner des conseils, c’est bien beau, mais cela ne suffit pas. Il faut transformer notre environnement!»