C’était en 1975, à 15 ans. Comme ses collègues de classe, Lise Bibaud (B.Ed. information scolaire et professionnelle, 1983) noircit de petits cercles sur une feuille d’examen. Le questionnaire sert à déterminer les affinités de chacun pour différents choix de carrière. On récolte les tests, l’ordinateur les analyse puis rend son verdict. «On a fait venir mes parents pour leur dire qu’il fallait me trouver quelque chose rapidement parce que je n’irais pas loin dans la vie, se souvient-elle. C’était comme une claque en plein visage.»
Aujourd’hui directrice générale de l’Association québécoise des troubles d’apprentissage (AQETA), Lise Bibaud s’indigne encore au souvenir de ce test. Si elle ne souffre pas elle-même de troubles d’apprentissage, elle aura tout de même dû mettre les bouchées doubles et emprunter «les chemins les plus longs», selon son expression, pour s’extirper de ce pronostique dévastateur.
Admise dans un cours de secrétariat, Lise Bibaud se rend rapidement compte que cette vie ne lui convient pas : elle veut travailler dans un domaine relié aux enfants. C’est ce qu’elle fera quelques années plus tard, après avoir complété à l’UQAM un baccalauréat en éducation et un autre en psychologie à McGill. Pendant sa dernière année d’études, un stage réalisé auprès d’adolescents la confirme dans ses aspirations. «Quand on travaille avec un jeune, qu’on chemine avec lui et qu’on voit qu’on peut changer des choses dans sa vie, c’est très stimulant», confie Lise Bibaud. Une fois sur le marché du travail, le remplacement d’un enseignant dans une école spécialisée en troubles d’apprentissage ne fera que lui apporter une nouvelle confirmation de son choix.
Dix années d’orthopédagogie, dont une en tant que présidente de l’Association des orthopédagogues, deux enfants, un microprogramme à l’UQAM en évaluation de la lecture et plusieurs années en tant que bénévole à la Fondation Rêves d’enfants : pour Lise Bibaud, les années ont été riches en expériences. Arrivée en 2008 à l’AQETA en tant que personne-ressource, elle est rapidement propulsée à la tête de l’organisme.
La directrice souhaite conscientiser la population et les employeurs aux réalités vécues par les personnes aux prises avec un trouble de l’apprentissage. «Il faut leur donner les outils – ne serait-ce qu’un logiciel de correction – leur permettant de fonctionner normalement au travail, un peu comme on le fait déjà pour les personnes handicapées, dit-elle. Dans quelle société vivrions-nous, aujourd’hui, si nous n’avions pas eu la contribution d’Albert Einstein, qui avait un trouble grave de l’apprentissage?»
Des campagnes de sensibilisation à la planification de congrès en passant par la recherche en matière de troubles d’apprentissage, on n’a qu’à entendre la directrice de l’AQETA parler deux minutes de son quotidien pour comprendre que sa vision est profondément influencée par ses expériences et son amour de la recherche universitaire. «Cette énergie-là me vient de l’UQAM, explique-t-elle. C’est une chose qu’on a en soi quand on désire poursuivre des études universitaires, mais il faut que le milieu la nourrisse et te donne la piqûre pour continuer. Mon passage à l’UQAM m’aura donné ça.»