Quoi de plus naturel pour une jeune chercheuse étrangère qui s’intéresse aux nouvelles formes de l’intimité amoureuse que de s’établir à Montréal… par amour! Chiara Piazzesi, embauchée en janvier dernier au Département de sociologie, a en effet rencontré son amoureux lors d’un congrès qui avait lieu à Montréal en 2010. Or, qui prend mari prend pays, c’est bien connu!
Chiara Piazzesi a étudié en Italie et en France et elle a effectué des séjours de recherche postdoctorale et d’enseignement en Allemagne, aux États-Unis et au Brésil. Elle parle cinq langues – italien, français, allemand, anglais et portugais – et vit la tête dans autant de cultures. «Le nomadisme m’a forcée à apprendre toutes ces langues, qui constituent aujourd’hui un bagage inestimable, affirme-t-elle. Et mes nombreuses expériences professionnelles m’ont apporté un précieux réseau de contacts.»
En octobre dernier, la jeune chercheuse a participé au Forum des sciences sociales, qui avait lieu au Palais des congrès, où elle a effectué une présentation sur l’amour à l’ère des technologies numériques. «Quand on parle des nouvelles formes de l’intimité amoureuse, on ne peut faire abstraction des nouvelles technologies, souligne-t-elle. L’éducation sentimentale des jeunes et des moins jeunes passent souvent par ces outils.»
La professeure a mis en relation les témoignages d’utilisateurs de sites Web de rencontre – témoignages publiés sur le site du journal Le Monde – avec les discours qui font la promotion de ce type de sites. «Ces sites mettent de l’avant l’efficacité, le confort – nul besoin de sortir de chez soi – la disponibilité d’une grande quantité de partenaires potentiels, la fiabilité – car leurs systèmes sont basés, disent-ils, sur des formules scientifiques, et la rationalité, car les outils technologiques permettraient de prendre plus de recul avant de faire des choix relationnels.»
Les sites de rencontre répondent à une panoplie de besoins qui sont typiques de la vie contemporaine, note-t-elle. «Nous avons des ressources de temps et d’énergie limitées. En ce sens, les sites de rencontre sont emblématiques d’un rapport de service qui survient dans la vie d’individus paradoxalement trop occupés pour rencontrer quelqu’un.»
Son analyse a révélé que les sites de rencontre répondent aux besoins des utilisateurs. «Ces derniers ont besoin d’être rassurés et accompagnés dans la tâche difficile de sortir de l’isolement et de la routine pour aller vers les autres, souligne-t-elle, même s’ils sont parfaitement conscients que les outils technologiques donnent l’illusion d’établir un rapport intime: il faut ensuite rencontrer la personne face à face. Mais, au moins, ces outils permettent d’entreprendre la démarche et donnent confiance aux individus. Plusieurs soulignent que les outils technologiques les aident à se sentir attrayants.»
Recherches à venir
La chercheuse vient de déposer un projet au FQRSC, intitulé «”Dominations ordinaires”: ambivalences dans la mobilisation du “capital érotique”.» «Mon projet vise à créer les outils conceptuels pour analyser et penser l’intimité amoureuse en lien avec les théories de pouvoir et de domination», explique-t-elle.
Elle a aussi présenté aux organismes subventionnaires un projet de recherche en collaboration avec le Service aux collectivités (SAC) de l’UQAM et l’Association québécoise des polyamoureux. Le polyamour est «la volonté, la pratique ou l’acceptation de vivre une relation amoureuse impliquant plus de deux personnes avec la pleine connaissance et le consentement de chaque personne concernée», peut-on lire sur le site de l’association en question. C’est une nouvelle forme, une nouvelle configuration de l’intimité amoureuse, note Chiara Piazzesi. «Or, il existe très peu de publications au Québec et à l’international sur le sujet. Avec le SAC, nous voulons produire des connaissances sur le phénomène et combattre les préjugés qui teintent le regard social sur le polyamour.» L’un des étudiants qu’elle dirige, Mathieu Lévesque, rédige présentement son mémoire de maîtrise sur le sujet.