Voir plus
Voir moins

Obésité maternelle et santé des enfants

La postdoctorante en sciences biologiques Evemie Dubé remporte la bourse nationale d’excellence en recherche L’Oréal-UNESCO.

Par Valérie Martin

29 novembre 2013 à 13 h 11

Mis à jour le 7 juin 2022 à 12 h 15

Photo

Evemie Dubé. Photo: Nathalie St-Pierre

La biologiste Evemie Dubé, qui s’intéresse à la reproduction humaine depuis le début de ses études supérieures, vient de remporter la bourse nationale d’excellence en recherche L’Oréal-UNESCO. Destinée à de jeunes chercheuses au niveau postdoctoral, cette bourse vise à faire la promotion des femmes en sciences.

«Le domaine des sciences de la vie évolue rapidement, remarque l’étudiante. Nous devons rester à l’affût des nouveaux phénomènes, comme les nouvelles techniques de reproduction, afin de mieux en comprendre les dangers ou les limites. Ainsi, nous ne savons toujours pas quels sont les effets à long terme de la procréation assistée sur les enfants nés grâce à cette méthode.»

Après avoir effectué des recherches doctorales sur l’infertilité masculine sous la direction du professeur Daniel Cyr, de l’INRS-Institut Armand-Frappier, Evemie Dubé étudie depuis 2010 les liens entre obésité et grossesse au sein de l’équipe de recherche de la professeure Julie Lafond, du Département des sciences biologiques, dont les études portent sur les relations mères-placenta-fœtus. «L’obésité chez la mère peut causer plusieurs complications durant la grossesse, comme le diabète gestationnel, la prééclampsie ou l’hypertension, ainsi que des problèmes lors de l’accouchement, explique la chercheuse. Un des objectifs de la recherche est de mieux comprendre les effets de l’obésité des mères sur le métabolisme des enfants à naître.»

Durant la grossesse, le placenta achemine les nutriments au fœtus afin de lui permettre de se développer pleinement. L’analyse des placentas permet ainsi de mieux comprendre ce qui se passe pendant le transfert des nutriments de la mère au bébé. Pour ce faire, l’équipe de recherche suit des femmes enceintes obèses et de poids santé. On compare leur taux de lipides (indispensables au bon développement du bébé) dans le sang à chaque trimestre de grossesse et on récupère les placentas à la naissance des nouveau-nés afin de compléter les analyses. «Selon la littérature et les résultats de nos recherches, l’obésité de la future maman nuirait à l’apport adéquat de nutriments au bébé. Autrement dit, le profil lipidique de la mère affecterait la qualité des nutriments transmis par le placenta et perturberait la croissance du fœtus», dit Evemie Dubé.

Les chercheuses croient que le placenta compense en quelque sorte l’effet de l’obésité jusqu’à une certaine limite. «Notre hypothèse, c’est qu’au-delà de cette limite, le métabolisme du fœtus est perturbé. Le bébé à naître serait alors plus à risque de développer des maladies une fois parvenu à l’âge adulte. C’est comme si, à partir de là, s’opérait une programmation fœtale de plusieurs maladies à venir.»

Les enfants nés de mères obèses pourraient ainsi être prédisposés à souffrir de maladies cardiovasculaires (comme l’athérosclérose) et de maladies métaboliques (comme le diabète). «Nous cherchons à développer des tests qui permettraient de détecter chez les nouveau-nés un marqueur déterminant prédictif de problèmes de santé plus tard», révèle la postdoctorante. Le laboratoire de la professeure Julie Lafond est d’ailleurs membre du Centre de recherche BioMed, qui s’intéresse à la découverte de biomarqueurs prédictifs de maladies humaines, en collaboration avec le CHUM.

Les bourses d’excellence L’Oréal-Unesco, d’une valeur de 20 000 $ chacune, sont remises chaque année en alternance dans les domaines des sciences de la vie et des sciences de la matière. «La bourse me permettra de me concentrer à temps plein sur ce projet», dit la chercheuse, qui a grandi en Afrique au sein d’une famille de scientifiques et de coopérants. «Mon père est chimiste et ma mère pharmacologiste de formation. Ils ont participé à plusieurs projets de coopération en lien avec les plantes médicinales et la santé des populations, raconte-t-elle. C’est pour cette raison que je m’intéresse aux aspects appliqués de la science fondamentale afin de trouver des solutions pour résoudre des problèmes de santé.»

Ses recherches doctorales sur l’infertilité masculine ont permis de mieux comprendre, entre autres, pourquoi certains hommes demeuraient infertiles malgré la correction de certaines anomalies de leurs organes génitaux par la chirurgie. «Aujourd’hui, plusieurs facteurs sont pris en compte pour tenter d’expliquer l’infertilité, dont des facteurs environnementaux ou des virus contractés pendant l’enfance, explique Evemie Dubé. On parle même de l’état nutritionnel du père qui peut affecter la fécondité.» Au terme de son postdoctorat, Evemie Dubé espère obtenir un poste de professeure afin de poursuivre ses recherches sur la reproduction humaine. «C’est incroyable de penser qu’un seul ovule et qu’un spermatozoïde peuvent former un être humain complet… et si complexe!», conclut-elle.