Elle a une voix très particulière, Élise Turcotte (M.A. études littéraires, 84). Son premier roman, Le bruit des choses vivantes, publié en 1991, faisait déjà entendre cette voix. Une voix toute douce comme un murmure, qui parle des petites choses du quotidien, mais qui vous rentre dedans. Il faut dire qu’elle a d’abord été poète et que la poésie a toujours continué à travailler son œuvre. Nouvelles, poèmes, récit, roman, livre pour enfants, elle ne craint pas de naviguer entre les genres. «C’est vrai, dit-elle, mais ce que j’aime encore plus, c’est de mêler les genres dans un même livre, de danser avec les formes.»
Entre les moments d’écriture, Élise Turcotte, qui possède, en plus de sa maîtrise de l’UQAM, un doctorat en création littéraire de l’Université de Sherbrooke, enseigne la littérature au Cégep du Vieux-Montréal. Deux fois lauréate du Prix du Gouverneur général, en 2003 pour son roman La maison étrangère, et, en 2010, pour Rose : derrière le rideau de la folie, un superbe album jeunesse abordant tout en délicatesse le thème de l’anormalité, l’écrivaine a remporté de nombreux autres prix au cours de sa carrière. En 2011, son dernier roman, Guyana, était couronné du Grand Prix du livre de Montréal. La voix d’une mère et de son enfant s’entremêlent dans cette histoire où la mort rôde sans cesse. Cela commence par la mort d’une coiffeuse qui coupait les cheveux du fils. Cette mort fait écho à celle du père, un drame intime dont les plaies ne se sont pas encore refermées. Mais la mort de la coiffeuse réveille aussi le souvenir de la tragédie historique de Jonestown, un suicide collectif au cours duquel plus de 900 personnes ont péri dans la jungle guyanaise, au milieu des années 1970.
Extrêmement vive, rieuse, espiègle, Élise Turcotte aime se colleter avec les sujets les plus graves : la mort, le viol, la folie, la séparation. «Je dis souvent à mes élèves que j’ai une double personnalité», dit-elle en éclatant de rire. «J’observe le monde, qui n’est pas toujours drôle, et je parle de ce que je vois, poursuit-elle plus sérieusement. C’est le rôle de l’écrivain, si tant est que l’écrivain a un rôle.»
Cette conscience aigüe des choses et ce besoin de consigner marquent toute son œuvre. «Il s’agit, explique-t-elle, de faire parler des moments qui passent généralement inaperçus, de faire des liens entre l’histoire intime, les petits détails de la vie, et la marche du monde.»
Dans son prochain bouquin, à paraître l’automne prochain, elle mêle l’essai et la fiction. Autobiographie de l’esprit (elle bute en prononçant le titre : «C’est la première fois que j’en parle, ça me fait tout drôle!») renfermera des textes sur l’écriture, des poèmes et même des images. «J’y parle, entre autres, de mon rapport à l’art, dit-elle. Ce livre montre que ce qui est dans mes livres vient de ma tête…. un peu comme une visite d’atelier, sauf qu’au lieu de l’atelier d’un peintre, on visite la tête de l’écrivain.» Cela promet.