Plusieurs syndicats et associations de retraités ont dénoncé, en mars dernier, la mesure du gouvernement Harper visant à faire passer l’âge de la retraite de 65 à 67 ans. Ces organismes ont souligné que les aînés les plus pauvres seront les plus touchés, tout en rappelant qu’un grand nombre d’employeurs ont des préjugés défavorables à l’égard des travailleurs de plus de 50 ans. «Dans une société où règne le culte de la jeunesse et de la performance, on associe la contribution sociale au fait de travailler et on perçoit la vieillesse comme un fardeau économique», observe Michèle Charpentier, professeure à l’École de travail social.
Elle et sa collègue Anne Quéniart, du Département de sociologie, ont dirigé la publication d’un dossier consacré à la vieillesse, paru récemment dans la revue Nouvelles pratiques sociales. Elles ont aussi participé, avec d’autres professeurs de différentes facultés de l’UQAM, à l’élaboration d’une proposition – pilotée par la Faculté des sciences humaines – de projets de recherche multidisciplinaires sur le thème du vieillissement de la population.
Le vieillissement de la population québécoise est l’un des plus rapides au monde. Selon l’Institut de la statistique du Québec, la proportion des aînés passera, d’ici 2031, de 16 % à 26 %, soit quelque 2,3 millions de personnes, dont près de la moitié aura franchi le cap des 75 ans. On prévoit que l’espérance de vie des Québécois dépassera 80 ans d’ici 2050 et que la société comptera alors plus de 20 000 centenaires!
«La population âgée est à l’image de la société québécoise. Elle est de plus en plus diversifiée. Les aînés immigrants, par exemple, représentent 17,7 % de la population immigrante totale. Cette réalité doit être reconnue pour que nos représentations de la vieillesse changent», souligne Michèle Charpentier. «Les personnes âgées ne forment plus un bloc monolithique, poursuit Anne Quéniart. Nous avons maintenant trois générations d’aînés : les 65-75, les 75-85 et les 85 ans et plus. Cette population est, et sera, composée majoritairement de femmes, particulièrement au grand âge, puisque l’on dénombre deux femmes pour un homme chez les plus de 80 ans.»
Vieillir n’est pas une maladie
On estime que 80 % des aînés québécois sont autonomes, tandis que 20 % ont besoin de soins curatifs et palliatifs. «Vieillir n’est pas une maladie, ni un drame, soutient Michèle Charpentier. C’est une étape dans le continuum de la vie, dont l’expérience se vit différemment selon le sexe, l’origine ethnique, le statut socioéconomique, les habitudes de vie et l’état de santé.» Sans nier la persistance des phénomènes d’exclusion sociale, de solitude, de pauvreté et d’inégalités, notamment entre les hommes et les femmes, Anne Quéniart note que «les aînés d’aujourd’hui sont souvent en meilleure santé et plus scolarisés, ont des conditions de vie moins précaires et disposent d’une pluralité de choix quant à leur mode vie : vie en solo, loisirs, engagement social.»
Dans le cadre de sa nouvelle politique Vieillir et vivre ensemble, Québec a annoncé que 50 000 personnes âgées de plus recevront des soins à domicile d’ici 2017. «Une majorité d’aînés souhaitent vieillir à la maison, mais le Québec ne consacre que 15 % de ses investissements en soins de longue durée aux soins à domicile, contre 40 % par la France et 73 % par le Danemark, observe Michèle Charpentier. À l’autre bout du spectre, la quantité de places en hébergement stagne, alors que le nombre de personnes très âgées augmente.»
Une étape pour s’engager
Les travaux des deux chercheuses ne s’inscrivent pas dans une perspective normative ou prescriptive du bien vieillir. Elles s’intéressent plutôt aux trajectoires de vieillissement et aux divers facteurs qui favorisent le mieux-être des aînés, dont celui de l’engagement social dans des activités professionnelles ou bénévoles. «Les personnes âgées contribuent à la société de multiples façons, constate Anne Quéniart. Le nouvel âge de la vie qu’est la retraite, loin de représenter une mort sociale, s’avère une étape privilégiée pour s’engager, que ce soit auprès de ses proches, dans des associations, dans les études, ou dans la vie politique. Aux dernières élections fédérales, les citoyens de 65 ans et plus ont été les plus nombreux – près de 70 % – à exercer leur droit de vote.»