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Entraîner le corps et l’esprit

Diminution de la mémoire, de l’attention, de la capacité à faire deux choses à la fois : on peut prévenir le déclin cognitif, soutient le professeur Louis Bherer.

Par Pierre-Etienne Caza

9 janvier 2012 à 0 h 01

Mis à jour le 17 septembre 2014 à 19 h 09

Pourquoi certaines personnes déclinent-elles cognitivement après 60 ans, alors que d’autres multiplient les prouesses intellectuelles? Le professeur Louis Bherer, du Département de psychologie, aime bien répondre à cette question par une analogie. «On nous conseille de diversifier nos placements afin de faire fructifier nos économies, mais il est tout aussi important de bien gérer notre bagage intellectuel quand on parvient à la retraite», affirme le titulaire de la nouvelle Chaire de recherche du Canada sur le vieillissement et la prévention du déclin cognitif.

Louis Bherer étudie depuis plusieurs années les facteurs de risque d’une perte cognitive associée à l’âge. Il n’est pas question ici de démence, car à peine une personne sur dix en est atteinte après l’âge de 70 ans, mais de diminution de la mémoire, de l’attention et de la capacité à gérer plusieurs tâches en même temps. «C’est le genre de déclin cognitif qui peut altérer significativement la qualité de vie», note le chercheur.

Les personnes âgées vivent des changements physiologiques et psychologiques importants, poursuit-il. «Historiquement, on a toujours associé ces changements à une perte progressive des fonctions cognitives. Or, on sait maintenant que cette perte a été surestimée et qu’on peut la prévenir, car ce n’est pas la vieillesse comme telle, mais bien les maladies qui y sont associées – diabète de type 2, hypertension, maladies coronariennes, etc. – qui engendrent le déclin cognitif.»

Au Laboratoire d’étude de la santé cognitive des aînés, situé à l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal, Louis Bherer et son équipe tentent de cerner l’incidence de ces maladies sur le vieillissement cérébral et développent des programmes d’intervention et de prévention adaptés à chaque cas de figure. Ils se spécialisent dans les programmes d’entraînement physique et de stimulation cognitive par ordinateur. «La stimulation intellectuelle, l’exercice physique, les interactions sociales et une bonne alimentation constituent les quatre facteurs identifiés jusqu’ici comme ayant une influence sur la bonne santé cognitive des personnes âgées», souligne le titulaire de la nouvelle chaire.

L’exercice physique

En collaboration avec les chercheurs du Département de kinanthropologie, le professeur Bherer teste l’influence de l’entraînement physique sur la santé cognitive de personnes âgées de plus de 60 ans. Les participants sont enthousiastes, précise-t-il. «Une fois qu’ils ont débuté l’entraînement, ils ne veulent plus arrêter! Il faut dire qu’ils profitent d’entraîneurs personnalisés (des étudiants de troisième cycle) et d’équipements haut de gamme.»

La stimulation intellectuelle

La doctorante Émilie De Tournay-Jetté a fait une démonstration éloquente des bienfaits de la stimulation intellectuelle sur la santé cognitive. En collaboration avec l’Institut de cardiologie de Montréal, son projet doctoral portait sur un programme d’entraînement cognitif pour les personnes ayant subi un pontage coronarien. Les gens qui ont subi ce type d’intervention ont habituellement entre 60 et 65 ans, explique le professeur Bherer. Jusqu’à six mois après la chirurgie, ils peuvent éprouver une perte d’attention, de vigilance et d’habiletés dans l’exécution de certaines tâches, tout cela étant répertorié comme effets secondaires de la chirurgie. «Nous avons obtenu des résultats épatants. Après seulement un mois d’entraînement, nous avons observé une nette amélioration des fonctions cognitives des participants.» Les résultats de cette recherche, menée par la doctorante sous la codirection du professeur Bherer et de son confrère Gilles Dupuis, ont été publiés l’automne dernier dans le Journal of Behavioral Medicine.

De la discipline

«Il existe un troisième âge intellectuel oublié de la littérature scientifique, note Louis Bherer. Sans doute parce que l’on a longtemps cru que le déclin cognitif était inéluctable. Mais ce n’est plus le cas.» À l’heure où la retraite dure souvent 20, 25, ou même 30 ans, la question de la qualité de vie est incontournable. «Pour contrer le déclin cognitif associé aux maladies, il faut adopter un mode de vie sain et actif, conclut le professeur. Faire du sport pendant six mois puis arrêter n’améliore pas le cerveau pour toujours. Il faut être discipliné… comme on l’est pour nos placements!»