Faible poids, petit périmètre crânien, signes d’atteintes neurologiques, infections, etc. Les enfants adoptés à l’international arrivent souvent dans un état de santé précaire. «Habituellement, ils font des gains rapidement à partir du moment où ils se retrouvent dans un milieu de vie sain et plus stimulant», précise la doctorante Noémi Gagnon-Oosterwaal. Dans le cadre de sa thèse, la jeune chercheuse a voulu vérifier si l’état de santé de ces petits à leur arrivée affecte leur développement psychologique.
C’est à partir des données d’une étude longitudinale amorcée en 1998 par des chercheurs de l’UQAM, dont Andrée Pomerleau et Gérard Malcuit, et des pédiatres de l’Hôpital Sainte-Justine, parmi lesquels figurait le Dr Jean-François Chicoine, que Noémi Gagnon-Oosterwaal a pu vérifier ses hypothèses. Ces chercheurs ont évalué l’état de santé physique et psychologique de 123 enfants adoptés à l’international (Bolivie, Cambodge, Chine, Haïti, Russie, Thaïlande, Vietnam), dès leur deuxième semaine au Québec alors qu’ils étaient âgés en moyenne de onze mois. Dans le cadre de la première phase de l’étude, ces tout-petits ont été évalués périodiquement jusqu’à l’âge de trois ans.
Au cours de la deuxième phase, 95 enfants de la même cohorte ont été réévalués en compagnie de leurs parents adoptifs à la fin de la première année du primaire. «À l’âge de sept ans, les enfants adoptés se distinguent de leurs pairs non adoptés quant au nombre de phobies spécifiques qu’ils rapportent, indique Noémi Gagnon-Oosterwaal. Cela peut être une peur des chiens, des hauteurs, de l’eau, des foules, etc.»
La moyenne d’âge des mamans qui donnent naissance à un premier enfant au Québec tourne autour de 26 ans, tandis que celle des mamans adoptives est de 34 ans. Mais ce facteur ne semble pas en cause. «Nos résultats ne s’expliquent pas à cause des caractéristiques démographiques particulières des mamans adoptives – plus âgées, plus scolarisées et mieux nanties –, car nous avons comparé les enfants adoptés à l’international avec des pairs non-adoptés dont les mamans avaient en moyenne 41 ans», précise Noémi Gagnon-Oosterwaal. La chercheuse n’a pas non plus relevé de différences significatives entre les garçons et les filles.
Ces résultats, publiés récemment sous l’intitulé «Pre-Adoption Adversity and Self-Reported Behavior Problems in 7 Years-Old International Adoptees» dans la revue Child Psychiatry & Human Development, constituent le premier des deux articles qui composent la thèse de la jeune chercheuse, effectuée sous la direction de la professeure Louise Cossette et codirigée par Nicole Smolla, de l’Hôpital Rivière-des-Prairies.
La prévention en milieu post-adoption
«Comme il est impossible de modifier les conditions pré-adoption, le milieu d’adoption est le seul où l’on peut intervenir», poursuit Noémi Gagnon-Oosterwaal, dont le second article est consacré aux mamans adoptives. «Lorsque l’enfant à la santé fragile arrive dans sa famille adoptive, cela engendre un stress chez les parents, explique la chercheuse. Or, un parent stressé développe des attitudes particulières. Il est souvent surprotecteur et plus contrôlant, ce qui produit parfois des relations difficiles à long terme.»
La doctorante a constaté que l’état des enfants à l’arrivée est directement corrélé avec leurs problèmes de comportement à sept ans, mais qu’il est aussi corrélé avec un indice de stress parental élevé. «Les troubles phobiques des enfants adoptés pourraient donc s’expliquer par le stress parental et pas seulement par les conditions pré-adoption, précise-t-elle. Soyons clairs : le stress parental ne cause pas les problèmes, mais il peut contribuer à les aggraver.»
L’une des pistes d’intervention suggérées serait de tenter de réduire le stress parental afin d’observer si certains problèmes de comportement disparaissent chez les enfants. «J’ai déjà eu la visite d’une enfant qui a dû sortir de mon bureau à cause d’une mouche, raconte la doctorante, qui reçoit des patients en clinique privée. J’ai dû expliquer à ses parents qu’elle souffrait de phobie. Imaginez-la en classe : une mouche entre et elle n’est plus fonctionnelle du tout. Ce genre de troubles phobiques n’est pas à prendre à la légère et notre seul champ d’action possible est le milieu d’adoption.»