Il y a 40 ans, les Américains âgés de 50 ans avaient une espérance de vie légèrement supérieure aux Européens du même âge. Aujourd’hui, les Américains ont une espérance de vie de 1,5 année plus courte que les Européens. Publiée en juillet dernier dans la revue Social Science & Medecine, une recherche menée par le professeur Pierre-Carl Michaud, du Département des sciences économiques, en collaboration avec des collègues de Harvard, de University of South California (USC) et de la RAND Corporation, lève le voile sur ce renversement de situation et s’interroge sur les impacts de ce phénomène sur les finances publiques.
En s’appuyant sur des enquêtes menées aux États-Unis et en Europe occidentale (Allemagne, Danemark, Espagne, France, Grèce, Italie, Pays-Bas et Suède), les chercheurs se sont aperçus que le principal facteur qui explique cet écart est l’état de santé des gens lorsqu’ils parviennent à l’âge de 50 ans. «Les Européens sont en meilleure santé que les Américains», note Pierre-Carl Michaud.
Pourquoi les Américains sont-ils en moins bonne santé que les Européens quand se pointe la cinquantaine? «Il y avait proportionnellement beaucoup plus de fumeurs aux États-Unis qu’en Europe dans les années 1960 et 1970, précise le jeune chercheur. Ce sont ces gens-là qui atteignent 50 ans aujourd’hui. Or, la cigarette est liée aux maladies cardiaques et au cancer. Le taux d’obésité est aussi plus élevé chez les Américains, entraînant plus de cas de diabète, d’hypertension et de maladies cardiaques.»
Une simulation
Que se passerait-il si les Américains parvenaient à 50 ans en aussi bonne santé que les Européens? «Pour le savoir, nous avons utilisé une méthodologie complexe, qui se résume à octroyer aux Américains le même niveau de santé que les Européens d’ici l’an 2050, en conservant constants tous les autres facteurs, tels que le niveau de vie, les revenus, et l’efficacité du système de santé», explique Pierre-Carl Michaud.
Ses collègues et lui ont pu conclure que si les Américains réussissaient à diminuer leur taux d’obésité à 50 ans, et par le fait même les maladies chroniques qui y sont associées, comme le diabète et l’hypertension, à des niveaux comparables à ceux des Européens, l’espérance de vie serait la même des deux côtés de l’Atlantique. «Ces résultats nous indiquent clairement qu’il ne faut pas se demander ce qui cloche après 50 ans chez les Américains, mais bien pourquoi les Européens parviennent à 50 ans en meilleure santé», souligne le professeur Michaud. Le système de santé américain est peut-être très efficace pour guérir, précise-t-il, mais il l’est beaucoup moins pour prévenir. Voilà peut être une piste de solution…
Impact sur les finances publiques
Si les Américains réussissaient à donner un coup de barre et à parvenir à l’âge de 50 ans en meilleure santé, et donc à vivre plus longtemps, cela aurait inévitablement des impacts sur les finances publiques. De quel ordre? «L’amélioration de l’état de santé des Américains et l’augmentation de l’espérance de vie coûteraient évidemment plus cher au régime de pension américain, qui subirait une hausse spectaculaire de ses dépenses, mais celles-ci serait largement compensées par une diminution encore plus significative des dépenses en santé», affirme Pierre-Carl Michaud.
Selon les projections effectuées par les chercheurs, l’amélioration de l’état de santé des citoyens âgés de 50 ans permettrait d’économiser plus de 1,1 trillion de dollars au cours des 40 prochaines années, dont 632 milliards retomberaient directement dans les coffres du gouvernement américain, qui finance les programmes Medicare et Medicaid.
D’autres recherches à venir
Le groupe de chercheurs dont fait partie le professeur Michaud a obtenu une importante subvention du National Institute of Health des États-Unis afin d’étudier le stress et le surmenage durant la carrière. «Nous comparerons les marqueurs de stress biologiques avec les expériences de travail vécues par les gens afin de voir si cela influence leur santé générale à l’âge de 50 ans, précise-t-il. Les femmes, qui ont fait massivement leur entrée sur le marché du travail durant la deuxième moitié du XXe siècle, nous intéressent plus particulièrement.»