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Transnationalisme : une troisième voie

Par Claude Gauvreau

6 avril 2010 à 0 h 04

Mis à jour le 17 avril 2015 à 15 h 04

Le phénomène migratoire provoque une forme d’hémorragie du capital humain qui prive plusieurs pays d’une partie de leurs forces vives. En revanche, les immigrants conservent des liens avec leur pays d’origine et peuvent contribuer, même à distance, à ses efforts de développement. «L’État marocain a bien compris l’importance de maintenir des liens avec sa diaspora, dont l’aide représente près de 5 milliards de dollars par année, souligne Zouhir Bahammou, premier récipiendaire de la nouvelle bourse postdoctorale (5 000 $) de la Chaire de recherche en immigration, ethnicité et citoyenneté (CRIEC). C’est pourquoi il a créé des organismes comme le Conseil consultatif des Marocains à l’étranger pour que le pays bénéficie de leur savoir-faire et de leurs compétences.»

D’origine marocaine, Zouhir Bahammou a émigré en France en 1999 pour y faire ses études de maîtrise et de doctorat. C’est au cours de ses recherches doctorales qu’il s’intéresse au phénomène de l’immigration marocaine au Canada et au Québec. Son projet de recherche à la CRIEC porte sur les pratiques associatives transnationales des immigrants marocains au Québec. «On compte au Canada une quarantaine d’associations marocaines à caractère culturel, économique, social et scientifique, dit-il. Ma recherche traitera plus spécifiquement des activités d’une dizaine d’entre elles au Québec.»

Une action collective

Depuis le début des années 1990, un nombre grandissant de Marocains sont venus s’établir au Canada. Plus de 85 % d’entre eux vivent au Québec, en particulier à Montréal. Ces derniers ne se contentent pas d’envoyer de l’argent à leurs familles, dit Zouhir Bahammou. «Passant de l’action individuelle à l’action collective, ils forment des associations qui appuient des projets de développement local au Maroc, notamment dans les régions rurales.» Une association de médecins, par exemple, fournit des équipements sanitaires à des hôpitaux marocains.

D’autres associations appuient la réalisation de projets d’électrification dans des villages, ou de construction de routes, d’écoles et de dispensaires. Plus scolarisés que la moyenne des nouveaux arrivants, les immigrants marocains constituent par ailleurs une ressource précieuse pour leur pays d’accueil, observe le chercheur. «Plus du tiers d’entre eux – avocats, ingénieurs, médecins – possèdent un diplôme universitaire et une bonne connaissance de la langue française. D’où l’importance de faciliter leur insertion professionnelle, condition essentielle de leur intégration.»

Entre deux mondes

Selon Zouhir Bahammou, la construction par les immigrants marocains de réseaux sociaux migratoires prenant une forme associative favorise la création de relations économiques, sociales et culturelles entre leur pays natal et la société d’accueil, tout en contribuant à l’établissement d’une communauté transnationale. «Le transnationalisme constitue une sorte de troisième voie entre l’option du retour dans le pays d’origine et celle de l’assimilation dans la société d’accueil, précise-t-il. Refusant de choisir entre deux cultures, les immigrants marocains donnent l’impression de vivre entre deux mondes, comme s’ils étaient à la fois ici et là-bas.»

Zouhir Bahammou a décidé, lui, de s’établir définitivement au Québec et aspire à une carrière professorale. «Deux raisons m’ont incité à m’installer ici, dit-il. D’abord, Montréal représente un terrain d’observation privilégié pour mes recherches. Puis, j’aime le modèle québécois d’intégration des immigrants. C’est un modèle pluraliste, ouvert, radicalement différent de l’approche assimilationniste que j’ai connue en France.»

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Nouvelle bourse postdoctorale

La Chaire de recherche en immigration, ethnicité et citoyenneté, dont la titulaire est la professeure Micheline Labelle, du Département de sociologie, a créé une nouvelle bourse postdoctorale. D’une valeur de 5 000 $, cette bourse est remise chaque année pour un stage d’une durée de quatre à huit mois. Les candidats doivent être détenteurs d’un doctorat et soumettre un projet en lien avec le programme de recherche de la chaire. Les personnes intéressées par le concours 2010-2011 doivent soumettre leur demande, au plus tard le 31 mai prochain.

Renseignements : http://www.criec.uqam.ca/Page/bourse_postdoctorale.aspx