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Madame Météo

Par Pierre-Etienne Caza

8 mars 2010 à 0 h 03

Mis à jour le 17 avril 2015 à 15 h 04

«À l’époque, tout le monde riait de la météo et les prévisions sur deux jours n’étaient pas très bonnes», se rappelle avec humour Jocelyne Blouin, dont la carrière à la télévision de Radio-Canada reflète le chemin parcouru depuis 30 ans en matière de météorologie. «Aujourd’hui, nous visons juste sept fois sur huit pour le lendemain», raconte la lauréate du Prix Reconnaissance 2010 de la Faculté des sciences de l’UQAM.

Invariablement, les gens qui abordent Jocelyne Blouin dans la rue lui parlent… de météo! Elle ne s’en lasse pas, puisque les gens sont gentils et qu’elle est toujours autant passionnée par son métier. Même ceux qui rechignent la font sourire. «C’est sûr que les gens se souviennent davantage des fois où l’on se trompe, surtout si c’est le week-end! On m’a déjà dit : Ma fille se mariait et vous vous êtes trompée!»

À ceux-là, Jocelyne Blouin répète que les modèles ne sont pas parfaits. «Les gens pensent qu’il est possible de prévoir la météo à long terme, mais cela n’a pas de sens sur le plan scientifique. Le taux de réussite après cinq jours est exécrable, alors vous avez plus de chances en tirant à pile ou face…», dit en riant la météorologue, qui se rappelle avec plaisir ses année d’études à l’UQAM, au baccalauréat spécialisé en physique. «C’était la deuxième année d’existence de l’Université, en 1970, se souvient-elle. Nous étions peu nombreux dans les classes, alors nous profitions au maximum de l’expertise des professeurs.»

Après son bac, le professeur Armel Boutard l’a convaincue de s’inscrire au certificat en météorologie, dont il était le directeur. «Au début, je trouvais cela ennuyant et je séchais les cours, mais j’ai dû me reprendre en main pour les examens de mi-trimestre… et c’est là que j’ai eu la piqûre. La météorologie m’a captivée et me captive encore, car elle touche à plusieurs aspects de la physique.»

Une vulgarisatrice hors-pair

Engagée par Environnement Canada, Jocelyne Blouin fait d’abord ses classes à titre de météorologue en Ontario, puis dans l’Ouest canadien, notamment en compagnie de son collègue de promotion René Laprise, aujourd’hui professeur au Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère et directeur du Centre pour l’étude et la simulation du climat à l’échelle régionale.

Elle est de retour à Montréal en 1976 et se voit offrir deux ans plus tard le poste de présentatrice météo à la télévision de Radio-Canada. «Tout était nouveau, j’ai dû apprendre sur le tas, et rapidement», se souvient-elle. À l’époque, ses patrons ne se cassaient pas la tête. «Les gens veulent uniquement savoir le temps qu’il fera demain», voilà ce qu’ils lui répétaient. «Je passais mon temps à les convaincre du bien-fondé d’expliquer pourquoi il allait faire beau ou mauvais. J’ai commencé à vulgariser les phénomènes météorologiques et à expliquer le vocabulaire : front froid, front chaud, anticyclone, dépression, point de rosée, etc.» Aujourd’hui, remarque-t-elle, la plupart des téléspectateurs sont familiers avec ces termes. «Mieux, la météorologie est enseignée à l’école secondaire», dit fièrement la météorologue.

Au fil des ans, Jocelyne Blouin a vu plusieurs changements technologiques lui faciliter la tâche, mais sa fascination pour les phénomènes météorologiques, elle, est demeurée la même. «Les moments marquants de ma carrière se rapportent malheureusement à des phénomènes météorologiques rares et souvent violents, comme une tornade qui avait fait une vingtaine de morts à Edmonton, en 1987. Chaque fois, pourtant, ce fut l’occasion de vulgariser le phénomène pour le grand public.»

Même après 30 ans de métier, son plus grand défi demeure d’obtenir suffisamment de temps d’antenne, confie-t-elle. «Pourtant, les patrons savent bien que les gens tiennent à ces explications!» En 2005, quand la direction de Radio-Canada a aboli le bulletin météo de 22h, le public n’a pas apprécié de se voir privé de «son» bulletin météo de fin de soirée et l’a fait savoir. Jocelyne Blouin est revenue en ondes à 22h la semaine suivante. «J’étais touchée et fière que les gens se mobilisent de cette façon pour sauver ce bulletin», dit-elle.

Le Prix Reconnaissance de la Faculté des sciences, qu’elle accepte avec grand plaisir, vient en quelque sorte couronner une belle carrière, puisque Mme Blouin tirera sa révérence du petit écran l’an prochain, pour une retraite pleinement méritée.

Pour connaître les autres lauréats des Prix Reconnaissance : www.prixreconnaissance.uqam.ca