Entre 2000 et 2007, quelque 28 000 étudiants se sont inscrits à un programme de doctorat au Québec, et le tiers environ ont obtenu leur diplôme. Jusqu’à maintenant, peu d’études ont tenté de mesurer l’importance de leur contribution au développement des connaissances scientifiques.
«Le système de production/diffusion de la recherche est structuré comme une hélice à trois pales : universités, industrie et gouvernements. Les étudiants de doctorat y jouent un rôle important mais largement méconnu», affirme Vincent Larivière, chercheur à l’Observatoire des sciences et technologies de l’UQAM. L’International Society for Scientometrics and Informetrics (ISS) lui a remis récemment la bourse d’études Eugene Garfield 2009 pour sa thèse de doctorat, présentement en cours, sur la contribution des doctorants québécois à l’avancement des connaissances.
S’appuyant sur plusieurs bases de données, le jeune chercheur s’intéresse particulièrement à la publication par les doctorants d’articles scientifiques. «Leur contribution au développement du savoir ne se limite pas, évidemment, au nombre d’articles publiés, admet-il. Ils participent aussi à des colloques, au travail de cueillette de données et d’analyse en laboratoire ou sur le terrain. Mais il reste que l’activité de publication représente un indicateur important de leur intégration à la recherche.»
Variations disciplinaires
Au cours de la période 2000-2007, les doctorants québécois ont figuré parmi les signataires de près de la moitié (45 %) des articles scientifiques dans le domaine des sciences biomédicales, plus de 30 % en sciences naturelles (physique, chimie, biologie) et un peu plus de 15 % en sciences sociales et dans les humanités. La majorité des doctorants publient, la plupart du temps en collaboration, au moins un article scientifique durant leurs études en sciences biomédicales et en sciences naturelles, tandis qu’ils sont moins de 20 % à le faire en sciences sociales, et moins de 10 % en humanités.
Vincent Larivière explique ces différences par la spécificité des savoirs disciplinaires, car ce ne sont pas tous les objets de recherche qui se prêtent au travail d’équipe et favorisent la participation des étudiants. «Les doctorants en médecine et en sciences naturelles sont rapidement intégrés dans un laboratoire de recherche et leurs thèses prennent souvent la forme d’une série d’articles scientifiques. Les chercheurs en sciences sociales publient pour leur part davantage d’ouvrages que d’articles dans des revues. Et dans les humanités, la recherche se fait traditionnellement sur une base beaucoup plus individuelle.»
Le jeune chercheur constate par ailleurs que, toutes disciplines confondues, les recherches des doctorants représentent 33 % de la production scientifique québécoise, un pourcentage beaucoup plus élevé que celui obtenu par l’ensemble des chercheurs en milieu hospitalier. Autre phénomène observé, «l’impact moyen des articles qui comptent parmi leurs signataires un étudiant de doctorat est de 1,21, contre 1,12 pour ceux auxquels les doctorants n’ont pas contribué, souligne Vincent Larivière. On mesure l’impact des articles par le nombre moyen de citations des revues dans lesquelles ces articles ont été publiés.»
Penser comme un chercheur
Les étudiants de doctorat les mieux intégrés au monde de la recherche universitaire sont ceux qui publient le plus et qui connaissent la vie d’un laboratoire ou d’un centre de recherche. «Ils ont aussi plus de chances, en général, de terminer leur doctorat, d’obtenir un poste de professeur ou de faire une carrière de chercheur, même en dehors du milieu universitaire», soutient Vincent Larivière.
Chose certaine, poursuit-il, les étudiants développent pendant leurs études doctorales des savoir-faire – habiletés d’analyse et rigueur intellectuelle – qui peuvent être déterminants pour la suite de leur carrière. «Mais le plus important est l’acquisition d’un savoir-être, soit apprendre à penser et à agir comme un chercheur.»