Le professeur Sylvain Lefebvre, du Département de géographie, a participé comme plusieurs de ses collègues canadiens à Muscle intellectuel, une série éclectique de baladodiffusions sur des sujets associés aux Jeux olympiques et paralympiques d’hiver de Vancouver, une initiative du Comité d’organisation des Jeux (COVAN) et UBC (University of British Columbia), en collaboration avec des universités canadiennes. Intitulée Les Jeux Olympiques d’hiver de Vancouver : Gestion des héritages et durabilité, la baladodiffusion du professeur Lefebvre propose une analyse des différentes considérations urbaines et économiques liées à l’organisation de ces Jeux, et discute des impacts des Jeux sur la ville, la région et les populations locales de Vancouver.
Selon Sylvain Lefebvre, les trois piliers des Jeux olympiques sont le sport, la culture et, depuis quelques années, la durabilité. En d’autres termes, une ville doit aujourd’hui avoir la capacité de mettre en valeur son territoire pendant les Olympiques tout en planifiant la reconversion et/ou la réutilisation post-olympique des équipements et des infrastructures construits pour les Jeux. «Au Comité international olympique (CIO), la durabilité est devenue un critère incontournable pour obtenir la tenue des Jeux, précise le professeur Lefebvre. Toutefois, aucun suivi n’est effectué et même si la planification de la période post-olympique a été mûrement réfléchie, il n’est pas toujours évident d’atteindre les objectifs de durabilité fixés au départ.»
Certaines villes s’en tirent bien, comme Sydney (Jeux d’été de 2000) et Barcelone (Jeux d’été de 1992), qui ont réussi le pari de réutiliser quelques-uns des équipements tout en redynamisant certains quartiers urbains dans la foulée des Jeux olympiques. En revanche, les Jeux de Montréal de 1976 représentent probablement le pire exemple de durabilité, avec le parc olympique laissé à l’abandon. «Il y a bien sûr l’ancien vélodrome, devenu le biodôme, et la tour du stade, deuxième site le plus fréquenté par les touristes montréalais, mais tout cela n’arrive pas à la hauteur des coûts d’entretien exorbitants de l’infrastructure», explique Sylvain Lefebvre. Ce qui est arrivé à Montréal et à plusieurs autres villes hôtes des Jeux olympiques porte un nom : le Complexe de Cendrillon. «Il s’agit de la tentation de faire le plus gros événement possible afin de rayonner sur le plan international, et ce, peu importe le coût social, urbain et environnemental, explique le professeur. Après les Jeux, le retour à la réalité est parfois brutal.»
Le défi de Vancouver
Dans un article paru dans Le Devoir en septembre 2009, le professeur Lefebvre (qui est directeur du Groupe de recherche sur les espaces festifs, le GREF), et le doctorant Romain Roult (administrateur principal du GREF) donnaient un aperçu des travaux entourant les Jeux de Vancouver.
«Vancouver a choisi d’utiliser les Jeux comme catalyseur urbain en développant ses infrastructures de transport, de services et de communications», écrivaient-ils. Outre les constructions et les réaménagements de plusieurs équipements comme le stade (BC Place), le village olympique, et l’anneau de patinage de vitesse, d’importants travaux urbains ont été enclenchés. La Ville a entrepris le développement de ses réseaux autoroutier et ferré entre les différents sites sportifs notamment, l’agrandissement de l’aéroport et du Palais des congrès et le renforcement de son réseau de transport en commun pour un coût global de plus de 4 milliards de dollars qui vient s’ajouter au budget d’organisation des JO de 2,5 milliards.
«Les Jeux olympiques sont devenus un joujou pour gens riches et très peu d’équipements sportifs profitent par la suite à la population», affirme sans détour le professeur Lefebvre, qui s’interroge sur la durabilité réelle des Jeux de Vancouver. D’autant plus qu’en ces temps économiques difficiles, le COVAN a dû récemment encaisser la nouvelle du retrait de deux de ses principaux partenaires financiers, Nortel et General Motors. La part du privé dans le financement des Jeux, initialement prévue autour de 40-45 %, a été réduite à 10-15 %.
«Ce sont donc les contribuables qui paieront la majeure partie de ces Jeux pendant les prochaines années, conclut le chercheur. Ces déficits s’accompagnent souvent de l’abandon des objectifs de durabilité, faute de fonds pour les atteindre.»