Endoctrinement, promotion du multiculturalisme, marginalisation du groupe majoritaire d’ascendance canadienne-française. Les critiques à l’endroit du programme Éthique et culture religieuse (ÉCR) ont repris de plus belle avec la publication en décembre dernier de l’étude Le cours Éthique et culture religieuse : transmission de connaissances ou endoctrinement?, réalisée par Joëlle Quérin, chercheuse associée à l’Institut de recherche sur le Québec et doctorante en sociologie.
Depuis sa création et son implantation au primaire et au secondaire en septembre 2008, le programme ÉCR a suscité trois vagues d’opposition : celle des parents catholiques, qui réclament le droit d’exemption, celle du mouvement laïque québécois, opposé à toute présence du religieux en milieu scolaire, et celle d’un certain nombre d’intellectuels nationalistes, qui assimilent le programme à l’idéologie du multiculturalisme canadien.
Pour le professeur Louis Rousseau, du Département de sciences des religions, le programme ÉCR est unique et novateur, car il favorise le respect réciproque des valeurs et des croyances, permettant ainsi de tenir compte du pluralisme de fait qui caractérise la société québécoise. «Ce programme, dit-il, donne aux élèves la capacité de réfléchir sur des questions éthiques, de comprendre le phénomène religieux hors de tout cadre confessionnel, et de pratiquer le dialogue.»
Tous les pays occidentaux, le Québec y compris, sont confrontés à la montée de la diversité ethnique et religieuse et s’interrogent sur la voie à prendre pour continuer d’affirmer leur identité nationale tout en respectant l’identité culturelle des nouveaux arrivants, observe le professeur. «En proposant un programme de formation basé sur le dialogue en vue d’acquérir des valeurs communes qui favorisent le vivre-ensemble dans une société libérale démocratique, le Québec joue un rôle d’avant-garde», soutient-il.
Un programme multiculturaliste?
Contrairement à ce que prétend l’étude de Joëlle Quérin, le cours ÉCR, tout en s’ouvrant aux diverses traditions culturelles et religieuses portées par l’immigration, donne la priorité au patrimoine religieux qui a contribué à façonner l’histoire et la culture québécoises, affirme Louis Rousseau. «Les blocs thématiques du programme – représentations du divin, expressions du religieux dans le temps et l’espace, pratiques communautaires – n’accordent pas une importance équivalente à toutes les traditions religieuses et symboliques. Ils privilégient le legs identitaire du catholicisme, sans oublier le protestantisme, les spiritualités autochtones et le judaïsme.»
À ceux qui reprochent au programme de négliger la transmission de connaissances au profit d’un endoctrinement sur la façon de se comporter dans une société pluraliste, le chercheur répond que l’école est aussi un lieu de socialisation, dont la mission ne se limite pas à l’instruction. «En créant le ministère de l’Éducation en 1964, la société québécoise a confié à l’État le soin de former des citoyens responsables, dit-il. Cette formation inclut à la fois la transmission de connaissances dans divers domaines et l’apprentissage du vivre-ensemble, ce à quoi contribue le programme ÉCR.»
Former des maîtres compétents
Louis Rousseau tient enfin à rappeler le rôle joué par l’UQAM pour assurer la compétence des enseignants appelés à dispenser le programme ÉCR. Dans le cadre de son programme de baccalauréat en enseignement secondaire, l’UQAM offre une concentration en éthique et culture religieuse, soit 19 cours de formation disciplinaire, dont dix obligatoires en sciences des religions et en éthique, sans compter les cours de didactique et les stages de formation pratique. Cela dit, le professeur estime que la formation des maîtres en cette matière constitue un défi énorme, voire le plus important, en particulier au primaire.
Louis Rousseau souhaite que la discussion se poursuive, en particulier sur les conditions de réussite de l’implantation du programme et sur la mise en place d’un processus d’évaluation permettant d’améliorer son contenu.
«Le programme en est à ses débuts. Il faut laisser le temps aux enseignants de se l’approprier», conclut-il.