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Apprendre l’humour

Par Pierre-Etienne Caza

22 mars 2010 à 0 h 03

Mis à jour le 17 avril 2015 à 15 h 04

Rares ont été les années où la directrice générale et pédagogique de l’École nationale de l’humour n’a pas eu à monter au créneau pour défendre la pertinence et la légitimité de «son» école, la première du genre au monde. «J’ai coutume d’affirmer que nous avons vogué contre des vents persistants de scepticisme», affirme Louise Richer, lauréate du Prix Reconnaissance UQAM 2010 de la Faculté des sciences humaines. Créée en 1988, l’École nationale de l’humour, dont elle assure la direction depuis ses débuts, a formé à ce jour environ 75 % des humoristes connus du public québécois… et bon nombre d’auteurs qui travaillent dans l’ombre.

«Avant même de considérer l’énorme industrie qu’est devenu le monde de l’humour, il ne faut pas oublier qu’à la base, le rire fait partie de notre vie, de notre condition d’être humain et que c’est un mécanisme d’intégration sociale, souligne Louise Richer. Je ne vois pas pourquoi les gens qui souhaitent en faire un métier ne pourraient pas bénéficier d’une formation adéquate.»

Cette formation, la directrice de l’École nationale de l’humour en parle avec passion. «Mon rôle est de soutenir et d’aider les étudiants à se définir comme professionnels et comme individus, explique-t-elle. L’objectif est qu’ils acquièrent la meilleure efficacité comique, bien sûr, mais notre mandat est plus vaste. Nous souhaitons les outiller pour qu’ils comprennent le monde dans lequel ils évoluent.»

De la psycho à l’humour

L’intérêt de Louise Richer pour l’humour est étroitement lié à son intérêt pour le comportement humain, qui l’avait poussée à étudier en psychologie à l’UQAM, au début des années 1970. Même si, de ses études, elle se rappelle surtout de LUDUCU : «un disco-bar situé au sous-sol du collège Sainte-Marie, où j’ai travaillé entre le baccalauréat et la maîtrise, raconte-t-elle en riant. J’y ai rencontré les gars de Beau Dommage, ainsi que Serge Thériault, Claude Meunier et compagnie. Il y avait là toute une effervescence culturelle!»

Louise Richer a bifurqué vers le théâtre avant d’avoir complété sa maîtrise en psychologie. Après une formation à New York, elle participe en février 1983 à un numéro lors de la première des Lundis des Ha! Ha!, une série de soirées humoristiques organisées au Club Soda par Meunier et Thériault. Rapidement débordés par le succès de l’événement, ces derniers lui offrent de s’impliquer à titre de directrice artistique. Quelques années plus tard, lorsque la série devient les Lundis Juste pour rire, elle poursuit son travail pour un nouveau patron, Gilbert Rozon.

«C’est avec Gilbert qu’est née l’idée d’une école de l’humour», se rappelle Mme Richer, qui a toujours poursuivi en parallèle sa carrière de comédienne, obtenant çà et là quelques rôles au cinéma et à la télévision (Les Voisins, Cruising Bar, Un gars, une fille et Catherine, entre autres), en plus de signer la mise en scène de plusieurs galas. Reconnue en 1992 par le ministère de l’Éducation, l’École nationale de l’humour se dissocie l’année suivante du Groupe Juste pour rire pour voler de ses propres ailes.

Le rire à l’université?

Au fil des ans, l’humour n’a pas tellement changé, mais les plateformes et les débouchés sont plus variés, note la directrice, qui veille constamment à actualiser la formation. «À la création de l’école, les étudiants rêvaient de voir un jour leur nom sur la marquise du Théâtre Saint-Denis. Aujourd’hui, ils pensent en termes de séries Web et de sites Internet. Plusieurs travaillent ensuite pour des émissions jeunesse ou au sein d’agences publicitaires.»

Louise Richer, qui a organisé en 2008 à l’UQAM un colloque intitulé L’humour, qu’osse ça donne? – réunissant analystes, théoriciens, politologues et praticiens de l’industrie de l’humour -, vient de créer le Réseau interdisciplinaire sur le rire afin de poursuivre ce genre de réflexions. Elle rêve même tout haut à la création d’une chaire de recherche universitaire sur le rire! «On s’intéresse de plus en plus à l’impact de l’humour dans notre société. En me remettant ce prix Reconnaissance, je crois que l’on reconnaît l’importance et la pertinence de l’école à travers moi. J’en suis très émue et je pense que l’UQAM est la mieux placée pour créer une telle chaire de recherche. C’est un désir fou, mais j’adorerais être impliquée dans un tel projet», conclut-elle avec enthousiasme.

Pour connaître les autres lauréats des Prix Reconnaissance : www.prixreconnaissance.uqam.ca