Voir plus
Voir moins

Retourner aux études: une décision qui porte fruit!

Par Jean-François Ducharme

30 octobre 2009 à 0 h 10

Mis à jour le 17 avril 2015 à 15 h 04

Au début des années 1990, Lucie Chagnon prend un énorme risque en empruntant une voie que peu de gens oseraient même envisager. Tout en occupant un emploi de chargée de cours à l’Université du Québec en Outaouais, cette femme de 42 ans, mère de quatre enfants, décide de s’inscrire à la maîtrise en intervention sociale à l’UQAM… soit à plus de deux heures de route de chez elle!

Pour être à l’heure à ses cours du matin, Lucie Chagnon devait quitter son domicile de Buckingham, une petite municipalité à 25 minutes de Gatineau, vers 6h30, et revenait vers 20h. «Lorsque mes collègues de classe arrivaient en retard aux cours, ils blâmaient les problèmes de circulation, rappelle-t-elle. Quand c’était mon tour, je disais à la blague que j’avais été forcée de pousser une vache sur le chemin!»

Attirée par l’aventure

Bachelière en travail social, Lucie Chagnon aurait pu continuer à enseigner dans son domaine. Toutefois, au début de la quarantaine, elle se sentait mûre pour un nouveau défi. «J’étais très attirée par le programme de maîtrise en intervention sociale[1], dit-elle. J’ai décidé de me lancer à l’aventure et j’ai été acceptée dans la première cohorte.»

Malgré son horaire hyper chargé et la grande distance qui la sépare de son lieu d’études, Lucie Chagnon s’intègre facilement à l’UQAM. «La mixité des âges, l’ouverture d’esprit, la présence d’étudiants étrangers ainsi que la diversité des provenances professionnelles et géographiques sont toutes des grandes forces de l’UQAM, affirme-t-elle. Je sentais que j’étais vraiment à ma place.»

Développer l’économie sociale

Dans le cadre de ses études, Lucie Chagnon a rédigé un mémoire de maîtrise portant sur le développement local, un processus qui vise à stimuler et à mobiliser les initiatives des petites communautés, pour en faire le moteur de la croissance économique d’une région donnée. Ce sujet, peu exploré à l’époque, l’enthousiasme au plus haut point. C’est ainsi qu’en 2006, elle fonde Commodus – accommoder en latin -, un organisme à but non lucratif qui vise à faciliter la conciliation travail-vie-famille tout en favorisant l’essor de l’économie sociale et solidaire.

Concrètement, des employeurs – par exemple, des entreprises de multimédia, des cabinets comptables, ou des firmes d’ingénieurs – paient Commodus qui, en retour, offre aux salariés de ces entreprises divers services d’accommodement. «Commodus s’apparente au programme de récompenses Air Miles, souligne Lucie Chagnon. Les employés obtiennent des points au travail qu’ils peuvent échanger contre plus de 300 services pour la famille, la santé, l’entretien à domicile, l’alimentation ou le transport. Cela permet aux travailleurs de conjuguer plus aisément leurs responsabilités familiales et professionnelles, tandis que le programme permet aux employeurs d’attirer et de fidéliser leurs employés.» Enfin, Commodus favorise aussi le développement local puisque les entreprises d’économie sociale comptent pour la moitié des services offerts par l’organisme.

Commodus n’a pas tardé à être reconnu mondialement. En 2009, l’organisation internationale Ashoka a décerné à Lucie Chagnon le titre de Fellow, assorti d’un soutien financier de 150 000 $. Ce titre prestigieux est remis aux entrepreneurs qui proposent des solutions innovatrices aux problèmes sociaux, tout en offrant un espoir de changement dans la société. «Le type de services que nous offrons est habituellement réservé aux employés VIP des grandes entreprises, affirme Lucie Chagnon. Je suis très fière de dire que ces services sont maintenant offerts à tous les travailleurs, peu importe le milieu.»

Un projet d’études stimulant

Lucie Chagnon rassure les gens qui ont peur de retourner aux études après plusieurs années passées sur le marché du travail. «Il ne faut pas s’inquiéter de la brique et du béton, dit-elle, en faisant référence à l’institution imposante que représente l’Université et ses 40 000 étudiants. À l’UQAM, j’ai été ravie de la grande disponibilité et de l’accessibilité des professeurs, qui nous abordent comme des professionnels. Mes enseignants m’ont appris à construire une problématique et m’ont permis d’acquérir une solide rigueur méthodologique. Ces atouts sont essentiels pour acquérir une bonne crédibilité et un sens du professionnalisme.»

Ouverte sur la communauté, l’UQAM se distingue par l’importance accordée à l’économie sociale et solidaire. D’ailleurs, le Centre de recherche sur les innovations sociales (CRISES), rattaché à la Faculté des sciences humaines, réalise plusieurs travaux de recherche en partenariat avec des acteurs socio-économiques. «L’UQAM est un modèle d’ouverture à la communauté, d’interaction entre les étudiants et de soutien de la part des enseignants. De mon côté, ma démarche personnelle a été très stimulante. J’ai réussi mon projet d’études, même en débutant ma maîtrise à 42 ans», conclut Lucie Chagnon.


[1] Depuis, ce programme a été refondu pour répondre aux nouvelles exigences de l’Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec. Désormais intitulé maîtrise en travail social, le programme peut être suivi selon un cheminement général offrant diverses concentrations : économie sociale, maladies graves, mort et deuil, gérontologie sociale, famille et jeunesse ou études féministes.