Facebook, Google et compagnie se retrouvent depuis quelques mois sous la loupe de plusieurs observateurs avertis qui ont exprimé des craintes quant à l’utilisation réelle des informations personnelles qui y sont divulguées et stockées par les utilisateurs. La Commissaire à la protection de la vie privée du Canada, Jennifer Stoddart, est du nombre. «Les réseaux sociaux tout autant que l’ensemble du commerce électronique font l’objet de notre surveillance», souligne la lauréate du Prix Reconnaissance UQAM 2009 de la Faculté des sciences humaines.
«Mon intérêt pour les droits de la personne et la protection de la vie privée découle en partie de mes études à l’UQAM sur le droit des femmes et l’étude des mécanismes de différenciation, affirme Jennifer Stoddart. J’ai toujours été fascinée par les inégalités sociales et par les efforts des sociétés occidentales, au XXe siècle, afin d’établir l’égalité entre les citoyens.»
Diplômée de la maîtrise en histoire en 1974, Jennifer Stoddart a abandonné son doctorat en histoire, amorcé à Paris, pour étudier le droit à l’Université McGill. «Le droit me convenait davantage que l’histoire, dit-elle, car j’avais besoin d’action! Les historiens effectuent un travail important pour la société, mais la vie d’avocat répondait plus à mon tempérament, à mon besoin d’interaction avec des événements quotidiens.»
Au cours de ses études de droit, Mme Stoddart a enseigné à l’UQAM, à titre de professeur substitut à temps plein. «Je donnais des cours sur l’histoire des femmes, l’histoire du Canada et l’histoire du droit tout en complétant mon programme et en préparant mes examens du Barreau! Je ne pourrais plus soutenir ce rythme aujourd’hui», dit-elle en riant.
Admise au Barreau en 1981, elle a ensuite amorcé sa carrière d’avocate, notamment à la Commission canadienne des droits de la personne. Elle a ensuite été vice-présidente de la Commission québécoise des droits de la personne et des droits de la jeunesse, puis présidente de la Commission d’accès à l’information du Québec.
Ombudsman des Canadiens
«Je suis une espèce d’ombudsman qui veille à la protection des renseignements personnels des citoyens canadiens en regard des agences fédérales et du secteur privé», explique Jennifer Stoddart, en poste au Commissariat à la protection de la vie privée du Canada depuis 2003.
Depuis sa nomination, la commissaire a recommandé au gouvernement de légiférer dans plusieurs dossiers, notamment les vols d’identité, les pourriels (tous les pays du G8 ont une loi anti-pourriel, sauf le Canada, précise-t-elle), et la cybercriminalité. «Les infrastructures des grandes compagnies sont désormais sur le Web, note-t-elle. Or il est difficile, à l’heure actuelle, de protéger nos institutions contre les cyber-attaques.»
Les développements technologiques affectent aussi les simples citoyens. «Que penser de Google Street View, par exemple, qui permet de voir des photos réelles des rues des grandes villes, mais qui de ce fait prend aussi des gens en photo sans leur permission, demande Mme Stoddart. Ou que penser de Facebook ou de Gmail et de leur «Behavior Advertising», cette technique qui amalgame les publicités qui figurent sur la page consultée avec le contenu de vos courriels? Qui devrait avoir le droit de lire nos courriels? Voilà autant de questions qui méritent d’être soulevées.»
Le Commissariat à la protection de la vie privée a le pouvoir de poser des questions directement aux entreprises concernées et d’envoyer, s’il le juge nécessaire, des spécialistes sur place pour enquêter. «Nous avons le pouvoir d’amener des dossiers à la Cour fédérale si une plainte s’avère fondée», précise la commissaire, qui a un statut analogue à celui de la Vérificatrice générale ou du Commissaire aux langues officielles, et qui se rapporte directement au Parlement.
«Je ne sais pas ce que je ferai ensuite, mais je n’ai pas l’intention d’accrocher mes patins», dit en riant Jennifer Stoddart, dont le mandat prendra fin l’an prochain. L’honneur que lui confère la Faculté des sciences humaines l’émeut. «Je suis d’autant plus honorée que j’œuvre loin de la scène montréalaise depuis une dizaine d’années, dit-elle. Cela prouve que les diplômés de l’UQAM rayonnent partout.»