Vous devez utiliser vos doigts pour compter le nombre de jours qui vous séparent de vos prochaines vacances? Vous êtes incapable de calculer le pourboire lorsqu’arrive l’addition au restaurant? Vos «neurones mathématiques» souffrent peut-être de paresse! Si seulement vous pouviez faire quelques calculs mentaux tandis qu’un appareil d’imagerie suivrait à la loupe l’activité de votre cerveau… on connaîtrait peut-être la source de vos difficultés… et même quelques stratégies efficaces pour rééduquer votre cerveau!
Cette fantaisie n’est pas si loin de la réalité. Le prochain congrès de l’ACFAS consacrera un colloque entier à une nouvelle discipline en émergence, où l’UQAM est en voie de se tailler une place de choix : la neuroéducation. «Ce champ d’étude est encore peu développé au Québec, mais il suscite beaucoup d’intérêt», souligne Steve Masson, étudiant au doctorat en sciences de l’éducation et organisateur du colloque.
Dans le cadre de son projet de thèse, codirigé par les professeurs Patrice Potvin et Martin Riopel, Steve Masson utilise les équipements d’imagerie par résonnance magnétique (IRM) de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal. Il a recruté une trentaine d’étudiants en physique qui ont accepté d’être immergés dans la machine, le temps de répondre à quelques questions, pour mettre en lumière les rouages de leur «cerveau scientifique». L’objectif : identifier quelles régions cérébrales sont sollicitées et lesquelles sont mises en veilleuse lorsque vient le temps de résoudre certains types de problèmes.
Nombreux défis
L’expérience n’est pas aussi simple qu’elle n’en a l’air. «Plusieurs défis se posent aux chercheurs en éducation qui veulent avoir recours à l’imagerie cérébrale», dit Steve Masson. Un premier : l’accès à des équipements de pointe, ultra-sollicités par la communauté neuroscientifique. Un second : l’élaboration des tâches. Les sujets qui sont plongés dans l’appareil IRM ne peuvent aucunement bouger au cours de l’expérience.
Et puisque la machine fait beaucoup de bruit, il est difficile de parler aux sujets à distance. Les questions doivent s’afficher sur un écran installé dans l’appareil. Elles doivent être savamment conçues pour activer les régions du cerveau impliquées dans la résolution du problème, sans induire de biais, et permettre une comparaison avec le cerveau des autres volontaires.
Ces défis et d’autres seront abordés au cours de la présentation d’ouverture du colloque. Steve Masson, en collaboration avec Lorie-Marlène Brault-Foisy, étudiante au premier cycle en éducation à l’UQAM, diplômée en psychologie et assistante de recherche, prononcera la première conférence.
Suivront des présentations sur l’utilisation de la neuro-imagerie dans différents domaines de recherche en éducation. L’équipe de Line Laplante, professeure au Département de linguistique et de didactique des langues, s’est penchée sur l’utilisation de ces méthodes chez les enfants souffrant de troubles d’apprentissage en lecture-écriture. Stephen R. Campbell, de l’Université Simon Fraser, discutera de l’utilisation de l’électroencéphalographie dans la recherche en didactique des mathématiques. Hélène Poissant, de l’UQAM, s’intéresse à l’utilisation de l’IRM chez les enfants qui souffrent d’un trouble déficitaire de l’attention.
Nouveau cours
Dès le mois de mai, les étudiants à la maîtrise ou au doctorat en éducation de l’UQAM auront droit à un cours en neuroéducation, sur lequel planchent actuellement Steve Masson et le professeur Martin Riopel. Les discussions du colloque permettront assurément d’en enrichir le contenu. «Je pense que l’intérêt des étudiants sera au rendez-vous, poursuit Steve Masson. Pour l’instant, on a encore peu de résultats concrets en neuroéducation, mais les possibilités sont considérables.»
De nouveaux appareils d’imagerie par infrarouge, portatifs et beaucoup moins chers que les appareils IRM, pourraient à moyen terme démocratiser l’utilisation de la neuro-imagerie. «J’envisage même le jour où chaque commission scolaire sera équipée d’un appareil, dit Steve Masson. Les enfants présentant des difficultés particulières pourront être étudiés et diagnostiqués. Des méthodes d’apprentissage spécialement adaptées à leur problème pourraient ensuite être employées.»