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À la défense de l’environnement

Par Pierre-Etienne Caza

23 mars 2009 à 0 h 03

Mis à jour le 17 avril 2015 à 15 h 04

«L’histoire de ma vie professionnelle pourrait être illustrée par une valise», dit en riant Johanne Gélinas, lauréate du Prix Reconnaissance UQAM 2009 de la Faculté des sciences. Les navettes Montréal-Québec et Montréal-Ottawa n’ont plus de secret pour celle dont la carrière a débuté dans la foulée de la Commission d’enquête mise sur pied à la suite de l’incendie de l’entrepôt de BPC à Saint-Basile-le-Grand, le 23 août 1988. «Je venais de faire mon entrée au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) et j’ai parcouru les régions du Québec au sein de cette commission itinérante, se rappelle-t-elle. Je n’ai jamais pu poser ma valise très longtemps au même endroit par la suite!»

«C’est un cours de deuxième cycle sur la toxicologie de l’inhalation qui m’a ouvert les yeux sur les risques des substances nocives dans l’environnement et a influencé ma carrière», raconte Johanne Gélinas, diplômée de la maîtrise en science de l’environnement (1987) et du baccalauréat en géographie (1984). «À l’époque, la population commençait à peine à s’intéresser aux problématiques de santé environnementale», ajoute-t-elle.

À titre de Commissaire à l’environnement au BAPE (1990 à 1999), puis de Commissaire à l’environnement et au développement durable au sein du Bureau de la Vérificatrice générale du Canada (2000 à 2007), Mme Gélinas n’a jamais hésité à se faire entendre haut et fort pour défendre les causes qui lui tiennent à cœur. La politique partisane, très peu pour elle! «J’ai toujours agi dans l’intérêt du public et de la défense de l’environnement, et ce, même si mon franc parler m’a parfois attiré des ennuis», confie-t-elle.

À Ottawa, Johanne Gélinas était en quelque sorte le «chien de garde» du gouvernement, explique-t-elle. «Mon mandat était de veiller à ce que tous les ministères, les organismes et les agences fédérales préparent d’abord un plan de développement durable, puis le mettent en application. Cela fait beaucoup de monde à surveiller!»

L’ancienne commissaire a contribué à l’avancement de plusieurs dossiers, dont ceux liés à la gestion des substances toxiques et à la gestion des sites contaminés, mais c’est celui des émissions de gaz à effet de serre (GES) qui l’a rendue «célèbre». Rappelons que le Canada avait pris comme engagement, dans le cadre du protocole de Kyoto, de réduire de 6 % d’ici 2012 les émissions de six GES par rapport aux niveaux de 1990. «J’ai souligné les ratés du gouvernement libéral et j’ai ouvert la porte aux conservateurs pour qu’ils trouvent une stratégie qui leur permettrait d’atteindre l’objectif, ou alors fassent leur mea-culpa, souligne-telle, mais personne n’a agi et on ne sait pas plus aujourd’hui où l’on s’en va dans ce dossier.»

Le Canada, poursuit-elle, a toujours excellé dans la conception de politiques, de stratégies et de documentation concernant le développement durable et la lutte aux changements climatiques, mais la mise en œuvre fait défaut. «C’est dommage car nous pourrions être un modèle, mais nous avons dilapidé notre crédibilité. J’ai perdu espoir que le pays redevienne un leader dans ce domaine. Nous allons nous faire imposer des normes par les États-Unis, qui sont plus proactifs que nous!»

Nouveaux défis

Cette désillusion a poussé Johanne Gélinas vers le privé. Elle agit depuis 2007 à titre d’associée chez Samson, Bélair/Deloitte & Touche, où elle dirige le groupe de services en responsabilité d’entreprise et développement durable pour le bureau de Montréal. «Au XXIe siècle, le leadership en environnement s’exercera par les entreprises privées, soutient-elle. Je travaille avec celles – et il y en a de plus en plus – qui souhaitent changer leurs pratiques en matière de développement durable. Cela crée de la valeur pour leur organisation et devient un critère de choix pour les consommateurs et les investisseurs.»

La préparation de la relève est également importante pour Johanne Gélinas, qui s’implique dans les programmes de mentorat. «J’ai 25 ans d’expérience à partager et je souhaite passer le flambeau aux plus jeunes», dit la lauréate, flattée par le prix que la Faculté des sciences lui remet. «Il s’agit d’une belle reconnaissance que je partage avec tous ceux qui s’investissent dans leur travail et qui défendent leurs idéaux», conclut-elle.