Dena Davida, chargée de cours au Département de danse, directrice artistique et cofondatrice de Tangente, contribue depuis plus de trente ans à la diffusion, à la promotion et à l’enseignement de la danse contemporaine. Elle vient de recevoir le Grand prix 2007 du Conseil des arts de Montréal. Dans la foulée de ce prix, elle a été nommée «Personnalité de la semaine» par le journal La Presse.
«Ce prix, je le prends comme une reconnaissance de mes pairs en grand», affirme la lauréate, avec son charmant accent américain. Elle ne croyait pas qu’il était possible d’être encore plus heureuse qu’elle ne l’a été en 2006, quand elle a obtenu la mention d’excellence pour sa thèse de doctorat en études et pratiques des arts à l’UQAM, une étude ethnographique sur la signification d’un événement de «nouvelle danse» montréalaise.
Elle sera danseuse
Issue d’une famille d’artistes, il était tout naturel pour la jeune Dena de choisir un métier de la scène. Elle touche à tout : le chant classique, le music hall, l’éclairage de la scène, etc. Un jour, elle trouve dans la danse un médium qui lui permet vraiment d’être elle-même sur scène, ce que le théâtre ne lui accorde pas. «J’aimais l’idée de cette franchise de mon corps, qui communique directement avec le public. C’est moi qui saute, c’est moi qui tourne, c’est Dena qui danse.»
Montréal, la révélation
Née à New York et élevée en Californie, Dena Davida a appris le français à l’école secondaire et dans les universités américaines. Elle aime rappeler que sa mère, qui l’a élevée seule, lui chantait des chansons françaises lorsqu’elle était petite. Elle découvre le Québec francophone, dont elle ignorait l’existence, lors d’un voyage dans l’Est canadien. C’est le choc.
Elle revient un peu plus tard à Montréal pour explorer le domaine de la danse contemporaine. Elle constate qu’elle a quelque chose à offrir à ce milieu qui comporte alors peu de structures et d’institutions. Elle veut contribuer à l’effervescence montréalaise, mais se défend d’être venue imposer la culture américaine. «J’avais déjà cette sensibilité éthique et culturelle qui me fait penser que je ne suis pas là pour montrer aux gens comment faire les choses. Encore aujourd’hui, je ne veux jamais entrer dans le processus créatif d’un chorégraphe. Ce n’est pas à moi de déterminer où va l’esthétique québécoise, ça, c’est l’affaire de chaque artiste. Je veux soutenir des projets de diffusion, je veux donner un lieu, un public, un contrat, une équipe de soutien.»
Les liens de Tangente avec l’UQAM
À peine trois ans après son arrivée à Montréal, en 1977, elle fonde Tangente, le premier centre québécois de diffusion en danse contemporaine, avec Louis Guillemette, Silvy Panet- Raymond et Howard Abrams. Pendant les dix premières années de son existence, l’institution est «itinérante», explique Dena Davida. En 1987, elle participe aux débats, avec entre autres des représentants du Département de danse de l’UQAM et du Regroupement québécois de la danse, au sujet d’une maison de la danse, rue Cherrier, l’actuel pavillon de danse de l’Université. Ce bâtiment est «fantastique» selon Dena Davida parce qu’il comporte trois salles de spectacles actives la plupart du temps. sans compter la piscine-théâtre. C’est aussi un milieu propice pour les échanges entre les intervenants du milieu de la danse.
Dena Davida, s’est entourée d’une petite équipe dynamique pour diriger Tangente. On y trouve deux diplômées de l’UQAM, Fannie Sénéchal, responsable des communications, et Julie Bilodeau, archiviste.
Les finissants du Département de danse de l’UQAM font pratiquement toujours leur premier spectacle professionnel à Tangente dans le cadre de la série «Danses buissonières». Le jury qui sélectionne les danseurs pour cette série est constitué de jeunes chorégraphes ayant deux ou trois ans d’expérience profesionnelle, dont un ou deux diplômés de l’UQAM.
L’enseignement dans la peau
Au fil des années, Dena Davida s’est imposée dans les milieux scolaire et universitaire en tant qu’enseignante et chercheuse. Spécialiste de la danse éducative, elle enseigne comme chargée de cours à l’UQAM depuis près de vingt ans. «J’aime éveiller les esprits, ouvrir la pensée et le cadre de référence, casser les stéréotypes.» Elle veut briser le mythe très présent dans le milieu de la danse que le corps et l’intellect sont deux choses distinctes…
Nouveaux projets
D’ici 2010, Tangente va déménager dans un nouveau lieu, idéalement dans le Quartier des spectacles, parce que le bail avec l’UQAM s’achève et que l’espace est devenu trop exigu, mais les liens avec l’Université vont demeurer, rassure Dena Davida. Parmi ses projets, elle prépare un livre sur des questions anthropologiques reliées à la danse, une anthologie de la danse québécoise et prévoit même ouvrir une librairie de livres sur la danse.
Et la relève à Tangente? Stéphane Labbé, avec qui elle travaille déjà depuis trois ans, est son dauphin. Dena Davida prévoit prendre graduellement un autre rôle. Faire plus d’éducation publique : elle veut aller dans les écoles pour présenter l’artiste et parler de la danse contemporaine aux élèves qui vont assister aux spectacles de danse.
«Ma vie artistique et ma vie de chercheure ont toujours évolué parallèlement, mais récemment elles commencent à s’intégrer. J’ai fait un bac en théâtre et en danse dans la vingtaine, une maîtrise dans la trentaine et un certificat sur l’analyse du mouvement dans la quarantaine. Dans la cinquantaine, j’ai continué avec un doctorat. L’ère post-doctorale c’est l’ère de l’intégration de la pensée sur le corps et le mouvement. Et la danse, surtout la danse.»