Le 5 février dernier, l’UQAM s’associait à Reporters sans frontières afin de tenir une conférence de presse à l’occasion du retour à Montréal de l’étudiante au doctorat en études et pratiques des arts Mehrnoushe Solouki. «Ce fut une année d’épreuves et de souffrance, dont je veux apprendre à aimer tout le mal et tout le bien», a d’abord dit la cinéaste de 38 ans, qui a eu la permission de quitter son pays d’origine, le 18 janvier dernier, après avoir été acquittée d’une accusation de propagande contre le régime iranien. Elle s’est reposée quelques jours à Paris avant de rentrer à Montréal.
Mehrnoushe Solouki, qui possède la double nationalité iranienne et française, en plus d’être résidante permanente au Canada, avait été arrêtée à Téhéran le 17 février 2007, alors qu’elle complétait le tournage d’un documentaire sur la chape de silence qui pèse en Iran sur une vague de répression qui a eu lieu en 1988, après la guerre contre l’Irak. Elle a été emprisonnée pendant un mois à la prison d’Evin, celle-là même où la photographe Zahra Kazemi a été détenue et battue à mort en 2003. Depuis sa libération sous caution, en mars, on avait confisqué son passeport et on lui interdisait de quitter le pays. La caution, pour laquelle ses parents avaient dû hypothéquer leur maison de Téhéran, a maintenant été restituée par les autorités iraniennes.
Interrogatoires à répétition
«Je m’attendais à ce qu’on me pose des questions sur le film que j’étais en train de tourner, a expliqué la documentariste, mais j’ai été choquée qu’on m’arrête. J’avais pourtant obtenu toutes les permissions nécessaires.» Selon elle, c’est son statut de «binationale» et le fait qu’elle réside au Canada qui ont attiré sur elle l’attention des autorités. «Dans les interrogatoires que j’ai subis à répétition en prison, on cherchait à savoir si j’étais financée par le gouvernement canadien ou par la Commission des droits de la personne pour dénoncer les violations des droits humains en Iran. On m’a aussi proposé de réaliser un documentaire sur les violations des droits humains au Canada!»
Concernant le dénouement de son cas, Mehrnoushe Solouki affirme que la campagne médiatique orchestrée entre autres par Reporters sans frontières a certainement joué un rôle important. «Il y a peut-être eu des démarches diplomatiques en coulisses de la part du gouvernement français, a-t-elle déclaré, mais je n’y étais pas favorable. Lorsqu’il est question de violation des droits de la personne, les choses doivent être dénoncées à voix haute, et non pas à la fin d’une discussion sur le nucléaire.» En raison des mauvaises relations entre l’Iran et le Canada depuis l’affaire Kazemi, Reporters sans frontières avait toutefois prié les autorités canadiennes de rester discrètes, afin de ne pas aggraver le cas de la documentariste.
Briser la loi du silence
Tout en dénonçant le chantage des représentants du ministère du Renseignement iranien, qui lui ont demandé d’intervenir pour mettre un terme à la campagne de soutien internationale en sa faveur, ce qui, lui disaient-ils, accélérerait sa libération, Mehrnoushe Solouki a insisté sur la volonté de plusieurs personnes au sein des autorités iraniennes de voir son dossier se régler au plus vite. «Le juge qui a présidé à mon procès m’a dit qu’il savait que j’étais une cinéaste et non pas une activiste politique, a-t-elle déclaré. Il y a des gens en Iran qui veulent briser la loi du silence sur le passé.»
La réalisatrice voulait aussi montrer dans son film que le peuple iranien est beaucoup plus ouvert qu’on ne le croit à l’étranger. «Les Iraniens sont très informés, a-t-elle souligné. Tous les toits sont couverts d’antennes paraboliques. Les Iraniens sont en train de faire une petite révolution dans leurs foyers.»
Le disque dur contenant les images de son film vient d’être remis à ses parents à Téhéran par les autorités iraniennes, a annoncé Denis McCready, ami de la cinéaste et administrateur du site Freesolouki.org. On ne sait toutefois pas dans quel état se trouve le matériel. «Le film que je voulais réaliser ne sera jamais terminé sous la forme que je souhaitais au départ, a mentionné la jeune femme, mais on peut compléter un film sous une autre forme.»