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Une histoire d’objets : la somme d’une vie

Par Marie-Claude Bourdon

21 janvier 2008 à 0 h 01

Mis à jour le 17 avril 2015 à 16 h 04

«Ce livre est un peu la synthèse de tout ce que j’ai découvert, c’est le résultat de mon enseignement, des recherches que j’ai menées, de celles de mes étudiants et collègues depuis 30 ans», dit Michel Lessard, qui a enseigné pendant 27 ans au Département d’histoire de l’art de l’UQAM avant de prendre sa retraite, en 2005. Ce livre, c’est la Nouvelle Encyclopédie des antiquités du Québec, un pavé de 1104 pages pesant 3,6 kilos, le plus gros ouvrage paru à ce jour aux Éditions de l’Homme.

C’est Alain Stanké, alors éditeur à L’Homme, qui, en 1971, avait convaincu Michel Lessard de faire de la première Encyclopédie des antiquités du Québec un livre destiné au grand public, plutôt qu’un ouvrage pédagogique. Le résultat est devenu un best-seller, avec 100 000 exemplaires vendus. «Je suis tombé en plein dans la période où le Québec amorçait sa quête identitaire, rappelle l’auteur. C’était à l’époque où l’on commençait à acheter de vieilles maisons et des meubles anciens, où les boutiques d’antiquaires poussaient comme des champignons.»

La Nouvelle Encyclopédie, qui paraît incidemment en plein regain d’effervescence identitaire, se veut une synthèse de la culture matérielle québécoise. «Il est toujours intéressant de voir ce qu’on est comme peuple, dit Michel Lessard. On peut le faire par la musique, par l’architecture, par l’art ou la cuisine, mais on peut aussi le faire par les objets, et c’est ce que j’ai voulu faire avec ce livre. Je nous raconte, je raconte qui nous sommes par l’objet ancien et contemporain.»

Professeur et vulgarisateur

C’est son intérêt pour la culture matérielle qui a amené Michel Lessard à délaisser la psychopédagogie, son premier domaine d’intérêt, pour emprunter la voie de l’ethnohistoire. Professeur aux visées très larges, il a été au Département d’histoire de l’art spécialiste du patrimoine québécois, mais aussi de l’histoire de la photo et de l’architecture québécoise et internationale. Auteur prolifique, il a publié de nombreux ouvrages destinés au grand public, sans compter ses innombrables publications scientifiques. «Je me considère comme un communicateur culturel, dit celui qui n’a jamais perdu sa vocation d’éducateur. À l’université, j’ai produit beaucoup d’ouvrages avec des étudiants pour les initier à la publication.»

Malgré l’aide précieuse de ses collaborateurs, dont sa conjointe, France Rémillard, restauratrice au Centre de conservation de Québec, la préparation de la Nouvelle Encyclopédie a constitué pour Michel Lessard une tâche énorme. «On a fait 17 000 images pour en conserver finalement 3500, rapporte l’historien. Il a fallu faire la recherche sur le terrain pour trouver les objets, compléter la recherche documentaire, rédiger les textes. Depuis ma semi-retraite en 2003, j’ai consacré toutes mes énergies à ce projet.»

L’auteur a connu de graves ennuis de santé et même perdu l’usage d’un oeil pendant ce travail titanesque. Mais le résultat est impressionnant.

Magnifiquement illustrée, l’Encyclopédie est une bible pour collectionneurs. Des poêles à bois aux affiches publicitaires, en passant par la vaisselle, les vêtements, les raquettes et les instruments de musique, quatre siècles d’objets défilent sous nos yeux.

Une société originale

«C’est un livre qui nous signe comme société, une société profondément originale, marquée par l’hiver et la cadence des saisons», dit Michel Lessard. Une société également tournée vers le monde. En effet, les objets présentés dans l’Encyclopédie n’ont pas tous été fabriqués par la main de nos artisans. «En plein 18e siècle, on trouvait de la vaisselle anglaise et de la faïence chinoise sur les tables des bourgeois français, rappelle l’historien. Les ports de Montréal et de Québec ont toujours été ouverts sur les sept mers du monde. Depuis la fin du 19e siècle, des milliers d’objets choisis par catalogues et souvent importés des États-Unis, que ce soit dans le domaine du jouet, de la quincaillerie ou du meuble, se sont intégrés à cet amalgame qui nous est propre et qui constitue notre culture matérielle.»

Inépuisable, Michel Lessard a dans ses cartons un ouvrage déjà terminé sur l’histoire de la photo au Québec, qui devrait paraître bientôt, un volume sur l’histoire de l’architecture auquel il se consacre depuis longtemps, un autre sur les métiers d’art au Québec, et un livre sur la ville de Québec, qu’il voudrait lancer au printemps, à l’occasion du 400e anniversaire de la ville. J’oubliais : il a aussi mené une vaste enquête sur le phénomène de reconquête du patrimoine québécois, des années 60 à nos jours. «À partir de 30 cas choisis à travers le Québec, je tente de comprendre pourquoi des gens ont choisi d’acheter des maison anciennes et de les rénover à grands frais. La recherche est terminée, confie le chercheur. Il ne reste plus qu’à écrire…»