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Sur les traces des gènes défectueux

Par Dominique Forget

3 mars 2008 à 0 h 03

Mis à jour le 17 avril 2015 à 16 h 04

Avec ses équations et formules statistiques, Fabrice Larribe a construit une véritable machine à remonter le temps dans son bureau du Département de mathématiques. Vous ne pourrez pas embarquer à bord pour revivre les moments forts d’Expo 67 ou l’arrivée de Samuel de Champlain à Québec. Toutefois, elle permettra peut-être d’élucider le code génétique de vos ancêtres. «Mon but ultime, c’est de développer un modèle mathématique qui aidera à identifier, sur le génome d’un individu donné, la position d’une mutation responsable d’une maladie», explique le chercheur. Le génome humain, on le sait, possède 3 milliards de paires de bases. Trouver une mutation dans cette gigantesque caverne d’Ali Baba, c’est un peu comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Pour y arriver, il faut réaliser des études statistiques sur de grandes populations.

Prenons un échantillon de 1 000 individus dans lequel se trouvent quatre personnes atteintes d’une maladie génétique, la fibrose kystique par exemple. On pourrait aujourd’hui, à un coût abordable, balayer le génome des 1 000 individus et obtenir la séquence de leurs paires de bases. Pour localiser le gène responsable de la fibrose kystique, il s’agirait de chercher dans le génome des quatre individus malades une série de bases communes, qui ne se retrouve pas chez les 996 personnes en santé. «Le problème, c’est que l’on va obtenir un tas de faux positifs, explique Fabrice Larribe. Le génome est tellement vaste et les variations si nombreuses que plusieurs gènes vont être identifiés.»

Lire le passé

Pour éliminer les faux positifs, le professeur élargit en quelque sorte son échantillon en lorgnant du côté du passé. Il reconstitue les arbres généalogiques de populations isolées, là où il y a eu peu d’immigration au fil des années, dans la région du Lac Saint- Jean, par exemple. Il identifie quels individus étaient malades et ajoute les génomes de chaque ancêtre à sa banque de données. Mais comment obtenir le génome de personnes décédées? C’est ici où sa «machine à remonter le temps» entre en fonction.

«Si je partais du haut de l’arbre et que je tentais d’imaginer toutes les façons dont la généalogie a pu évoluer, je n’y arriverais jamais. Les possibilités seraient infinies. Mais je pars du bas de l’arbre, en connaissant le génome de chaque individu qui forme la population d’aujourd’hui. Par simulation, je peux générer des milliers, voire des millions de génomes possibles pour les ancêtres. En connaissant les règles de base de la génétique, je peux déduire laquelle des options simulées est la plus probable.» Des opérations statistiques complexes lui permettent ensuite d’évaluer la position du gène responsable de la maladie.

Un morceau à la fois

Bien que les premiers essais sur des données réelles soient très positifs, la méthode mise au point par le professeur Larribe demeure théorique. Il serait prématuré de lui faire subir le test d’une population entière. «Les problèmes de l’évolution des populations sont très complexes. Il vaut mieux commencer par assembler quelques pièces du puzzle, puis ajouter des morceaux peu à peu.»

En effet, les maladies sont rarement monogéniques, c’est-à-dire attribuables à un seul gène. Très souvent, plusieurs gènes sont impliqués. C’est sans parler des facteurs environnementaux comme la nutrition ou la pollution qui peuvent influer sur l’apparition ou non d’une maladie pour laquelle on est prédisposé génétiquement. Pour compliquer les choses davantage, il existe des phénomènes comme la «pénétrance incomplète», où une personne possède la mutation, mais ne développe pas la maladie, ou la phénocopie, où une personne ne possède pas la mutation, mais développe quand même la maladie. À terme, Fabrice Larribe pense que son modèle pourra tenir compte adéquatement de tels phénomènes.

Les recherches du statisticien sont d’une complexité parfois désarmante. Pourtant, il n’hésite pas à aller dans les cégeps pour présenter ses recherches aux étudiants qui songent à se plonger dans une carrière scientifique. Heureusement, il maîtrise à merveille l’art de la présentation. «Je fais beaucoup de dessins pour aider les jeunes à comprendre. Généralement, l’intérêt est au rendez-vous. Lever le voile sur les mystères de la génomique, c’est faire un peu de lumière sur nos origines et notre destin.»