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Sexualité des adolescents : pour apprendre, aussi, à être de meilleurs amoureux

Par Claude Gauvreau

4 février 2008 à 0 h 02

Mis à jour le 17 avril 2015 à 16 h 04

«Pour toi, embrasser une fille, c’est entrer ta langue dans la bouche de l’autre comme un missile en le tournant le plus vite possible… recule d’une case. Pour toi, la sexualité est un moment important à passer avec l’autre, alors tu prends ton temps… avance de trois cases.» Ce petit jeu est l’un des outils d’animation faisant partie d’un nouveau programme d’éducation sexuelle pour jeunes hommes intitulé Amour et sexualité chez l’adolescent, qui vient de paraître aux Presses de l’Université du Québec.

Conçu par les professeurs Hélène Manseau et Martin Blais du Département de sexologie, le programme vise à prévenir les paternités orphelines et les infections transmissibles sexuellement. Il est le fruit d’une recherche terrain menée pendant plusieurs années auprès d’une vingtaine d’adolescents à risque et de leurs éducateurs dans un Centre jeunesse de la grande région de Montréal. «Le programme s’est construit à partir d’une synthèse des témoignages des jeunes et des intervenants, explique Hélène Manseau. Nous avons proposé des pistes d’intervention mais ce sont les éducateurs qui ont déterminé ce qui était souhaitable et possible de faire sur la base des besoins exprimés par les garçons. C’est ce qui fait l’originalité du programme.»

Développer des habiletés érotiques

Pourquoi être gêné de parler de sexualité? Y a-t-il un lien entre la jalousie et l’amour? Comment aborder une fille? Pourquoi avoir des relations protégées? Le programme répond à ces questions et identifie cinq cibles d’intervention qui rejoignent des objectifs fondamentaux en matière d’éducation sexuelle : vaincre l’isolement au sujet des questions sexuelles, prendre position sur la paternité, mieux composer avec sa masculinité, approfondir l’intimité et maîtriser les habiletés nécessaires à l’utilisation du condom. Les priorités, disent les deux chercheurs, étaient de surmonter l’isolement des jeunes et de les aider à établir des relations d’intimité basées sur le respect et la communication. «Les adolescents se sentent incompétents et se demandent ce que les jeunes filles pensent et attendent d’eux, précise Marin Blais. Ils veulent être à la fois de meilleurs amoureux et de meilleurs amants, désirs que la plupart des programmes d’éducation sexuelle ont tendance à négliger.»

Jusqu’à maintenant, rappelle Mme Manseau, le Québec a connu trois générations de programmes d’éducation sexuelle, fondés sur l’enseignement de connaissances générales, la transmission de valeurs et l’adoption de comportements favorisant une sexualité plus responsable. Le problème est que l’on a oublié de parler d’une sexualité-plaisir. Les deux sexologues ont voulu combler cette lacune en visant un équilibre entre l’éducation à l’amour et l’enseignement de valeurs – respect, tendresse, complicité – et une éducation à la sexualité en des termes très explicites. «C’est pourquoi notre programme s’inspire, notamment, de l’approche sexocorporelle qui met l’accent sur le développement d’habiletés érotiques concrètes, souligne M. Blais. Par exemple, plusieurs jeunes nous disaient qu’ils rejetaient le condom parce qu’ils le trouvaient anti-érotique et qu’il interrompait le plaisir, résistances qui sont trop souvent perçues comme de fausses croyances. Nous avons choisi de les aider à apprivoiser le condom, comme on le fait en clinique, tout en identifiant des moyens qui permettent d’éprouver aussi un plaisir sexuel.»

Un programme adaptable

La recherche a permis, par ailleurs, de révéler les sentiments d’impuissance, voire de découragement, des éducateurs du centre jeunesse face aux pratiques sexuelles non protégées de leurs adolescents. «Au début, il a fallu les convaincre de l’importance de parler ouvertement avec les jeul’adolescent, nes de leurs préoccupations et d’une sexualité qui satisfasse leurs besoins, puis que l’éducation sexuelle faisait aussi partie de leur mandat d’éducateurs», observe Mme Manseau. Avec son collègue Martin Blais, elle a donc élaboré des séances de formation pour que les intervenants acquièrent les outils d’animation et d’éducation nécessaires. «Chose certaine, le programme n’aurait pu être implanté sans ce processus continu de négociation et de concertation avec les éducateurs», souligne la sexologue.

Le programme en est maintenant à sa troisième année d’expérimentation et tous dressent un bilan positif. Même s’il a d’abord été conçu pour des jeunes garçons en difficulté d’un centre jeunesse, il aborde des préoccupations et des malaises qui sont le lot de plusieurs adolescents, relève Mme Manseau. «Il offre une plate-forme adaptable à différents milieux de jeunes, qui peut être améliorée et transformée à la condition que les personnes concernées se l’approprient.»