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Pour une politique globale de la vieillesse

Par Claude Gauvreau

14 avril 2008 à 0 h 04

Mis à jour le 17 avril 2015 à 15 h 04

Nancy Guberman accueille avec une certaine réserve le rapport de consultation Préparons l’avenir avec nos aînés sur les conditions de vie des personnes âgées, ainsi que les actions gouvernementales que la ministre responsable des aînés, Mme Marguerite Blais, a dévoilées récemment en réponse au rapport. Professeure à l’École de travail social et chercheuse en gérontologie sociale, elle considère que «c’est un petit pas dans la bonne direction. Le Québec a défini une série de mesures pour les personnes âgées en perte d’autonomie, mais n’a pas encore une politique globale de la vieillesse.»

Selon le rapport, Québec doit recentrer son système de santé sur les soins à domicile au lieu d’investir dans le nombre de lits en soins de longue durée dans les centres d’hébergement. Réagissant au rapport, la ministre Blais a annoncé récemment une enveloppe supplémentaire de 400 millions $ sur cinq ans pour favoriser le maintien des personnes âgées dans leur communauté. «Ces sommes permettront notamment d’offrir plus de services aux personnes en perte d’autonomie, de développer des ressources d’hébergement intermédiaires et de restaurer les Centres hospitaliers de soins de longue durée qui sont désuets», déclare la ministre.

Créer des ressources intermédiaires

Nancy Guberman pense aussi que l’on doit investir davantage dans les soins à domicile où les besoins sont criants. «Avec l’Île du Prince-Édouard, le Québec est la province qui fait le moins dans ce domaine. En 2003, le gouvernement disait lui-même qu’il fallait injecter immédiatement 350 millions $ pour combler le retard. D’un autre côté, ajoute-t-elle, le soutien à domicile et les soins en institution ne s’opposent pas. Il faut plutôt viser à établir un meilleur continuum entre les deux.»

La professeure croit au développement de ressources d’hébergement intermédiaires qui assurent aux personnes âgées un certain contrôle sur leur vie. Elle cite en exemple la Maison d’hébergement Carpe Diem à Trois-Rivières, un organisme communautaire à but non lucratif qui intervient auprès de personnes ayant des déficits cognitifs et qui se veut une solution de rechange à l’institution. «L’aménagement ressemble à une maison familiale et l’approche favorise le maintien de la mobilité (sorties) et des capacités fonctionnelles (préparation des repas, habillement) des résidents, souligne Mme Guberman. Des liens sont également maintenus avec les familles que l’on invite à s’impliquer dans les activités. La Maison offre même des services de soutien et d’accompagnement pour les aînés vivant à domicile.»

«Vieillir n’est pas une catastrophe»

La professeure est d’accord avec les mesures proposées par la ministre pour aider les personnes âgées à sortir du cercle vicieux de la pauvreté. «Malgré la bonification des pensions de vieillesse, plusieurs personnes âgées, les femmes en particulier, continuent de vivre dans des conditions précaires», observe-t-elle. Ainsi, le revenu total moyen des femmes âgées de 65 ans et plus dépasse à peine 13 000 $, tandis que celui des hommes se situe autour de 22 000 $.

Les personnes âgées représentent aujourd’hui 13 % de la population et on estime que la proportion s’établira à 25 % dans dix ans, rappelle Mme Guberman. Une politique de la vieillesse devra tenir compte de cette évolution et proposer une conception renouvelée de la retraite, soutient-elle. «L’âge de la retraite a été fixé à 65 ans par Bismarck au XIXe siècle, à une époque où l’espérance de vie était de 62 ans. Ce seuil n’a plus aucun sens aujourd’hui alors que l’on vit en moyenne près de 20 ans après l’avoir franchi.» La ministre Blais affirme pour sa part que son gouvernement travaille au développement d’une vision à long terme. «Nous allons mettre sur pied un comité permanent de ministres pour élaborer des politiques qui tiennent compte du vieillissement de la population, comme par exemple le projet de loi sur la retraite progressive», dit-elle.

Les aînés ne forment pas un groupe homogène et seule une minorité, 10 % environ, est particulièrement fragile et vulnérable, souligne Mme Guberman. «Il faudrait cesser de parler du poids que constituent les aînés pour notre société et notre système de santé. Plusieurs d’entre eux sont actifs, veulent le demeurer ou l’être davantage, même à 70 ans. Ce sont des citoyens comme les autres qui ne se définissent pas uniquement par leur âge. Bref, vieillir n’est pas synonyme de catastrophe.»