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L’art actuel, aux limites de l’indécidable

Par Marie-Claude Bourdon

12 mai 2008 à 0 h 05

Mis à jour le 17 avril 2015 à 15 h 04

Peut-on définir l’art actuel? Cela n’est pas sûr. Car ce qui semble commun aux manifestations de l’art contemporain, c’est leur caractère indécidable, leur position à la frontière entre l’art et ce qui n’en est pas, entre la fiction et la réalité, l’oeuvre et la vie quotidienne. C’est du moins ce qui ressort de L’indécidable, un recueil de textes qui rend compte du travail de recherche sur l’art contemporain mené au sein du Département d’histoire de l’art.

«On trouve difficilement pour les étudiants des textes suffisamment pointus sur l’art actuel, explique Thérèse St-Gelais, la professeure qui a assumé la direction de l’ouvrage. On a donc voulu proposer un recueil qui ferait le point, sans toutefois partir d’une thématique précise. C’est en cherchant des liens entre les oeuvres que leur indécidabilité nous est apparue.»

Ainsi, les «pratiques furtives» commentées par le chargé de cours Patrice Loubier s’inscrivent dans l’environnement, hors des murs des musées et des galeries, dans la rue et parfois dans l’incognito. «On pense à l’artiste Maclean, qui a trafiqué un panneau d’arrêt en cachant un R et un E pour faire le mot ART, dit Thérèse St-Gelais. Entre la dissimulation et l’irruption, l’oeuvre s’insinue dans la vie quotidienne.»

Incertaines perceptions

Jocelyne Lupien, directrice du Département d’histoire de l’art, s’intéresse à la perception de l’oeuvre d’art, non seulement par le regard mais par tous les sens. Elle montre que des oeuvres comme celles de Gwenaël Bélanger, qui utilisent le miroir pour agir sur l’expérience que nous en faisons, poussent le spectateur dans une zone de flottement et l’amènent à se questionner sur ses perceptions. De leur côté, les oeuvres analysées par le professeur Vincent Lavoie, de fausses archives sur la guerre du Liban créées de toutes pièces par l’Atlas Group, un regroupement d’artistes fondé par Walid Raad, nous interrogent sur le sens même de la réalité.

Parfois, c’est avec le jeu que l’art se confond. Ainsi, la professeure Marie Fraser fait ressortir les dimensions ludiques des oeuvres de Maurizio Cattelan, de Gustavo Artigas et du collectif SYN-. Quant au professeur Jean-Philippe Uzel, c’est par le biais des objets trickster – des objets qui ont la capacité de faire cohabiter des réalités contradictoires -, entre autres ceux de Brian Jungen et de Michel de Broin, qu’il montre le brouillage ludique généré par des oeuvres inclassables et résistant à toute définition.

Entre l’esthétique et le pornographique

Spécialiste des nouvelles technologies et vice-doyenne à la recherche et à la création à la Faculté des arts, Joanne Lalonde s’intéresse à des sites Internet qui proposent des représentations du corps jouant délibérément avec la confusion entre l’esthétique et le pornographique. Dans le même esprit, Thérèse Saint-Gelais travaille sur des oeuvres de femmes artistes qui abordent la sexualité pour provoquer, sans doute, mais aussi pour subvertir.

Double jeu, réalités contradictoires, confusion entre les genres, subversion : «Toutes ces formes d’indécidabilité sont présentes dans l’art actuel», dit l’historienne de l’art. Publié en français et en anglais, le livre a été lancé lors du colloque «L’indécidable. Écarts et déplacements de l’art actuel», tenu le 25 avril dernier en présence de plus de 130 participants issus du milieu de l’art actuel. Ce bel ouvrage soigneusement illustré est publié par les éditions Esse, qui produisent la revue du même nom. «Cette revue consacrée à l’art actuel, fondée par des finissants du Département d’histoire de l’art, est aujourd’hui devenue une publication d’envergure internationale», souligne fièrement Thérèse St-Gelais.