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La petite histoire des statistiques

Par Pierre-Etienne Caza

7 juillet 2008 à 0 h 07

Mis à jour le 17 avril 2015 à 15 h 04

Les statistiques ne constituent certes pas de nouveaux outils de recherche, mais leur histoire, en revanche, est méconnue et fascinante.

Jean-Pierre Beaud et Jean-Guy Prévost, professeurs au Département de science politique, s’intéressent depuis plus de 20 ans à l’histoire des systèmes statistiques en Occident, en s’attardant plus spécifiquement aux bureaux statistiques nationaux, comme Statistique Canada. Les deux chercheurs, rattachés au CIRST, font partie d’un groupe d’environ 150 spécialistes de l’histoire de la statistique répartis à travers le monde.

«Nous nous intéressons à la façon dont sont produites les statistiques, ainsi qu’aux transformations politiques et sociales qui découlent de leur usage à partir du 19e siècle», précise Jean-Pierre Beaud, vice-doyen à la recherche de la Faculté de science politique et de droit. Dans les Amériques, par exemple, le développement même de l’idée de nation est étroitement lié aux premiers recensements. «Les données récoltées donnaient une image tangible du pays et contribuaient à l’édification de l’idéologie nationale», explique M. Beaud. L’apparition des statistiques a également accéléré l’essor de plusieurs disciplines. Les données issues des recensements constituent souvent le matériau brut qu’utilisent les chercheurs en sociologie, en démographie et en économie, souligne pour sa part Jean-Guy Prévost, directeur du Département de science politique.

Dans certains cas, ce sont les pratiques qui ont été modifiées. La production de statistiques sur la mortalité dans les hôpitaux, par exemple, a transformé la médecine. Autre exemple : la plupart des décisions politiques étaient auparavant basées sur les opinions des plus puissants. Aujourd’hui, ce sont les chiffres qui font loi! D’où l’importance d’étudier la façon dont ils sont recueillis et analysés, affirment les deux chercheurs, politologues de formation.

Subventionné par le CRSH, leur plus récent projet de recherche vise à définir ce qu’ils appellent un nouveau régime statistique, apparu graduellement depuis les 30 dernières années. Leur analyse comparative s’étend à une douzaine de pays, parmi lesquels le Canada, les États-Unis, la France, l’Italie, l’Espagne, la Suède, la Grande-Bretagne, l’Australie, le Mexique et l’Allemagne.

«Auparavant, une grande partie du travail de Statistique Canada était consacrée à la production des grands indicateurs statistiques comme le PNB et le taux de chômage, explique Jean-Guy Prévost. On les produit toujours, mais il s’y est ajouté des préoccupations pour des données plus fines et plus précises, par exemple celles visant à évaluer les politiques publiques.» «En fait, on remarque un intérêt pour des dimensions plus subjectives, de même qu’une certaine harmonisation dans les classifications utilisées d’un pays à l’autre», précise Jean-Pierre Beaud.

Les deux chercheurs qui ont été invités au dernier congrès de l’Acfas pour présenter leurs recherches souhaitent que l’UQAM devienne le point d’ancrage d’un réseau mondial en histoire des systèmes statistiques.