Depuis une quinzaine d’années, la Guinée a entrepris de réformer de fond en comble son système d’enseignement supérieur. D’un système inspiré des modèles soviétique et français, on est passé au système LMD (licence, mastère, doctorat) d’inspiration nordaméricaine, en rénovant au passage près d’une trentaine de programmes. À la tête d’un consortium d’institutions universitaires, c’est l’UQAM qui, depuis 2003, accompagne la Guinée dans cette tâche titanesque.
«L’UQAM est présente en Guinée depuis les années 90, explique Amadou Diallo, directeur du Département de management et technologie et chef du projet UQAM-PADES/EPT pour la réforme des programmes. À l’époque, nous avions contribué à bâtir le programme de gestion de l’Université de Conakry. Comme ce sont les Soviétiques qui avaient mis en place la première université guinéenne, il avait fallu partir de zéro pour introduire des cours de marketing, de financement et de gestion des ressources humaines.»
À la fin des années 90, plusieurs institutions provenant de divers pays incluant le Sénégal, la France, la Belgique et le Canada agissaient comme consultants pour la Guinée dans sa tentative de réorienter son système d’enseignement supérieur. Mais les efforts allaient dans tous les sens et «il y avait un risque de tourner en rond», précise Amadou Diallo. En 1997, à la suite d’une mission financée par la Banque mondiale, ce dernier suggère aux autorités de son pays d’origine de faire appel à un consortium d’institutions qui travailleraient de concert pour identifier les interventions nécessaires et établir un plan d’action.
«La Guinée a lancé un appel d’offres international en 2003 et il y a eu des propositions de plusieurs pays, mais l’UQAM a bâti un consortium imbattable, regroupant l’École de technologie supérieure, l’Université de Montréal, le ministère de l’Éducation du Québec, la TÉLUQ et l’Université Park des États-Unis, qui est responsable de la formation à distance dans les bases militaires américaines», rapporte le professeur de gestion. Un financement de plus de 5 millions de dollars a été obtenu de la Banque mondiale pour ce projet qui comporte trois axes principaux : la rénovation des programmes, la formation à distance et la gestion administrative et financière des établissements.
L’enseignement universitaire guinéen reposait auparavant, comme le modèle français, sur un système de promotion par année. Or, ce type de système coûte cher à l’État puisque chaque fois qu’un étudiant échoue un cours, il doit reprendre son année au complet. «L’instauration d’un système de crédits permettant la promotion par matière est l’une des premières choses que nous avons faites», indique Amadou Diallo. Les programmes de premier cycle ont été remodelés en fonction du système LMD, mais on a aussi mis en place une structure permettant leur évaluation et l’accréditation de nouveaux programmes.
Nouvelle pédagogie
«Dans l’ancien système, le professeur est l’unique dispensateur du savoir, note le consultant. On a donc fait des efforts importants pour apprendre aux professeurs à dispenser leurs cours en faisant appel à la participation des étudiants. Tous les enseignants universitaires guinéens ont été exposés à nos ateliers de pédagogie et les plus intéressés ont été invités à venir au Québec pour y faire un stage.»
Le système LMD est très efficace dans la mesure où il est porteur de la promotion par matières et que l’enseignement y est davantage approprié aux besoins de la société, mais ce système d’inspiration américaine est complexe à gérer. En effet, il laisse beaucoup de liberté aux étudiants dans le choix de leurs cours. «Dans l’ancien système, tous les cours ou presque sont obligatoires et le service du registrariat se résume à la personne du registraire plus une secrétaire, souligne Amadou Diallo. Dans le système nord-américain, il faut une centaine de personnes pour faire le même travail.» Un programme informatique de gestion des services liés au registrariat a été mis en place. Les chefs de scolarité (registraires) de huit établissements guinéens ont également été formés aux pratiques en vigueur dans les universités nord-américaines.
Le projet, dont la première étape s’est achevée en 2006, en est à sa deuxième phase. «On commence à travailler sur la dimension de la formation à distance», précise Amadou Diallo. Selon ce dernier, le système universitaire guinéen est maintenant doté de règlements d’études à la fois adaptés aux réalités nationales et inspirés des meilleures références dans le domaine. «Aujourd’hui, dit-il, un savoir-faire national existe pour continuer le processus.»