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Fusillades scolaires: tirer des leçons du passé

Par Pierre-Etienne Caza

29 septembre 2008 à 0 h 09

Mis à jour le 17 avril 2015 à 15 h 04

Le 13 septembre 2006, alors que la tourmente médiatique entourant la fusillade survenue au collège Dawson battait son plein, la professeure de l’ESG UQAM, Camélia Dumitriu, s’est rendue sur les lieux. «J’y suis demeurée quelques jours et j’ai posé des questions à gauche et à droite, aux étudiants, aux professeurs et aux intervenants des services d’urgence, se rappelle-telle. J’ai même parlé au directeur des programmes de TVA pour constater comment l’information était recueillie et vérifiée, avant d’être transmise en ondes.» Deux ans plus tard, la professeure du Département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale lance officiellement un projet de recherche intitulé La gestion de crises : le cas des fusillades scolaires, pour lequel elle a obtenu une subvention de 150 000 $ du CRSH.

Les événements tragiques de Dawson ont été un véritable déclencheur pour Camélia Dumitriu, qui s’est ensuite intéressée aux fusillades scolaires survenues ailleurs dans le monde. «Il s’agit d’un phénomène récent et qui affecte surtout l’Occident», souligne la chercheuse qui a recensé, non sans difficultés, près d’une centaine de fusillades depuis 1966. «Contrairement aux autres catastrophes, comme les ouragans ou les tremblements de terre, il n’existe pas de base de données complète sur les fusillades scolaires», note-telle. Certains groupes, comme l’International action network on small arms, compile des données, mais seulement depuis 1996. Selon leurs statistiques, au moins 278 enfants et 267 adultes ont été tués lors d’une soixantaine de fusillades scolaires survenues depuis douze ans, la plupart ayant eu lieu aux États-Unis.

La gestion de crise

«Lorsqu’une fusillade survient, on aborde surtout l’événement sous l’angle individuel ou la réaction des services d’urgence, mais on oublie que ce genre de crise frappe d’abord et avant tout une organisation : l’école, explique la professeure Dumitriu. J’ai voulu transférer le savoir-faire développé dans le cadre de la gestion des crises organisationnelles et l’appliquer aux écoles.» Outre le fait de décrire et d’expliquer les processus de gestion des crises en cause, elle espère identifier les facteurs responsables de leur efficacité, selon les étapes – avant (prévention et préparation), pendant (intervention et communication) et après les fusillades (rétablissement), le tout afin d’aider les écoles à mieux se préparer à de telles éventualités.

«Le premier constat que j’ai effectué à propos des fusillades est qu’il faut sortir des sentiers battus et bâtir une équipe multidisciplinaire pour analyser ce phénomène social qui comporte plusieurs facettes», affirme Mme Dumitriu. Son équipe de recherche compte huit chercheurs provenant du Canada, des États-Unis, de l’Australie, du Royaume-Uni, de Roumanie et de France. Ceux-ci sont spécialisés en gestion de crise, en psychologie, en sociologie, en criminologie, en technologies de l’information, en éducation, en comportement organisationnel et en stratégie. L’équipe compte également quatre assistants de recherche, les candidats au MBA de l’ESG UQAM, Charles Giroux et Olivier Jenn, ainsi que les doctorants Magda Donia (Concordia) et Jean- François Rosa (HEC Montréal).

L’amorce du projet

Tous les collaborateurs du projet se sont réunis une première fois à l’occasion d’un atelier, qui s’est tenu à l’UQAM, les 26 et 27 août dernier. Ils ont pris connaissance du modèle d’analyse et de l’échantillon retenu, constitué de neuf cas de fusillades. «Dans un premier temps, chacun effectuera la collecte des données, c’est-à-dire les rapports d’enquête, la couverture des médias et les documents d’archives pour la ou les fusillades ayant eu lieu près de chez eux, explique Mme Dumitriu, qui précise que le projet est entièrement géré par l’UQAM. Nous croiserons ensuite ces données pour une analyse plus fine.»

Les assistants de recherche de Mme Dumitriu seront mis à profit, puisqu’elle compte les envoyer en Europe pour colliger des données. «Nous publierons également les résultats ensemble», ajoute la professeure, qui s’attend à pouvoir dévoiler les conclusions de la première phase de recherche dès l’été prochain. Elle entrevoit également la rédaction d’un ouvrage à la toute fin du processus.

«Le téléphone n’arrête pas de sonner pour des demandes d’entrevue depuis le dévoilement du projet, ajoute-t-elle, enthousiaste. C’est la preuve que le sujet préoccupe les gens. Ce n’est pas évident d’analyser des faits passés douloureux qui ont eu des conséquences funestes, mais nous espérons en tirer des conclusions et formuler des recommandations pour l’avenir.»

Les cas de fusillades scolaires retenus dans l’échantillon

1. Columbine High School
Littleton, Colorado (É.-U.)
20 avril 1999
13 victimes, 24 blessés

2. Islas Malvinas Middle School
Carmen de Patagones (Argentine)
28 septembre 2004
3 victimes, 5 blessés

3. Dunblane Primary School
Dunblane (Écosse)
13 mars 1996
17 victimes, 14 blessés

4. Johann Gutenberg Gymnasium
Erfurt (Allemagne)
26 avril 2002
18 victimes, 10 blessés

5. Monash University
Melbourne (Australie)
22 octobre 2002
2 victimes, 5 blessés

6. Virginia Tech, Blacksburg,
Virginie (États-Unis)
16 avril 2007
32 victimes, 29 blessés

7. Université Concordia
Montréal (Canada)
24 août 1992
4 victimes

8. Collège Dawson
Montréal (Canada)
13 septembre 2006
2 victimes, 18 blessés

9. Jokela College
Tuusula (Finlande)
7 novembre 2007
8 victimes, 12 blessés