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Former des gestionnaires socialement responsables

Par Claude Gauvreau

28 avril 2008 à 0 h 04

Mis à jour le 17 avril 2015 à 15 h 04

Un nouveau département est né à l’École des sciences de la gestion. Le Département de stratégie et de responsabilité sociale et environnementale est, en effet, la troisième unité départementale, après Finance et Marketing, issue de la scission de l’ancien Département de stratégie des affaires.

«Nous avons un département dont les programmes d’études et les axes de recherche portent à la fois sur les stratégies de gestion des grandes organisations privées et publiques et sur leur responsabilité sociale et environnementale. L’École innove en créant ainsi une alliance entre deux traditions disciplinaires qui s’étaient développées en parallèle au cours des dernières années», soutient le professeur Jean Pasquero.

Le nouveau département, qui comprend 16 professeurs et 27 chargés de cours, abrite quatre chaires institutionnelles – la Chaire Philippe-Pariseault de formation en mondialisation des marchés de l’agroalimentaire, la Chaire SITQ d’immobilier, la Chaire de responsabilité sociale et de développement durable, la Chaire Bombardier de gestion des entreprises transnationales – et deux groupes de recherche. «Les champs d’expertise sont diversifiés, souligne Vincent Sabourin, directeur du département. Certains chercheurs s’intéressent aux orientations stratégiques des organisations ou à la gestion internationale, d’autres au développement durable, les professeurs en immobilier y compris.»

Un nouvel environnement

Au début des années 80, l’UQAM a été la première université au Québec à créer un cours obligatoire de MBA sur l’environnement sociopolitique des entreprises, rappelle M. Pasquero. Cet environnement, dit-il, est devenu plus complexe avec les nouvelles préoccupations sociales concernant le développement durable, le commerce équitable et le comportement éthique des entreprises. «Une grande entreprise comme Alcan, par exemple, a choisi de bâtir son avenir sur le concept de développement durable qui, à ses yeux, englobe non seulement la protection de l’environnement, mais aussi une autre perspective de développement économique, en rupture avec le modèle productiviste des dernières décennies, de même que de nouveaux mécanismes de gouvernance s’appuyant sur une plus grande participation au processus de décision.»

Pour Vincent Sabourin, deux conceptions en matière de gestion des entreprises prédominent actuellement. Selon la première, essentiellement à caractère économique, la recherche de profits ne peut être soumise à des contraintes sociales. Un point de vue que défend notamment l’Institut d’études économiques de Montréal. La deuxième remet en question la logique de gestion axée exclusivement sur la recherche d’un avantage concurrentiel.

Rentabilité économique et responsabilité sociale

Le fait de s’intéresser à la responsabilité sociale des entreprises n’est pas un effet de mode, soutient M. Pasquero. «Le thème était présent dans les facultés de gestion dès les années 60. Aujourd’hui, les grandes organisations sont de plus en plus nombreuses à intégrer cette notion dans leur stratégie de gestion. On a même vu la multinationale Nike réclamer une réglementation mondiale contre le travail des enfants dans son industrie.»

Les gestionnaires sont préoccupés par la réputation de leur entreprise, poursuit M. Sabourin. Ils réfléchissent davantage au choix de leurs fournisseurs et à leur comportement en matière de relations de travail, aux impacts de leurs décisions sur les populations locales et nationales, et aux conséquences environnementales de leurs activités de production. Rappelons-nous la tragédie de Bhopal survenue en 1984, dit-il, alors que l’explosion d’une cuve dans une usine de pesticides de la compagnie américaine Union Carbide, avait provoqué la mort de plusieurs milliers de personnes en Inde. Quelques jours plus tard, l’entreprise voyait sa cote de crédit tomber et le cours de ses actions à Wall Street chuter.

Prospérité économique et responsabilité sociale ne sont pas antinomiques, affirme le directeur du nouveau département. «Pour une entreprise, être un bon citoyen corporatif et pratiquer le développement durable peut aussi être rentable économiquement, à moyen et long terme», conclut-il.

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28 mars 2008 – BHOPAL, Inde

Ils sont une cinquantaine de rescapés du désastre de 1984 et de manifestants de la coalition International Campaign for Justice in Bhopal à avoir complété une marche de 800 km, de Bhopal à New Delhi, pour réclamer justice du gouvernement indien et lui rappeler ses promesses non tenues, 24 ans après la catastrophe : décontaminer le site de l’usine désaffectée de Union Carbide à l’origine du plus grand accident industriel de l’histoire, qui a fauché 20 000 personnes et fait 500 000 malades chroniques, handicapés et victimes secondaires; assainir l’eau contaminée que consomment 25 000 personnes autour du site; indemniser les victimes qui ne l’ont pas encore été et poursuivre les actions judiciaires contre Union Carbide, rachetée en 2001 par Dow Chemical qui nie toute responsabilité.

RAPPEL DES FAITS :
  • 3 décembre 1984, une cuve explose libérant 42 tonnes d’isocyanate de méthyle (MIC) dans l’atmosphère, un composé du pesticide Sevin que fabrique Union Carbide en Inde, provoquant des problèmes oculaires, dont la cécité, et une insuffisance respiratoire immédiate. La catastrophe entraîne aussi, deux générations plus tard, des cancers, des problèmes de stérilité, des malformations génétiques ou insuffisances physiologiques multiples;
  • En 1989, Union Carbide et le gouvernement indien s’entendent sur une indemnisation globale de 470 millions US pour les victimes, alors que la requête initiale de 3 milliards $ incluait la décontamination du site;
  • Les victimes ont reçu environ 350 $ US pour des blessures ou incapacités dont elles auront à souffrir toute leur vie;
  • Le solde des indemnisations retenu par le gouvernement indien a finalement été distribué aux victimes en 2004, année du 20e anniversaire de la tragédie, avec les intérêts accumulés;
  • L’inde et la Chine sont les deux pays les plus accueillants de la planète pour les industries chimiques fabriquant les produits les plus dangereux. Dow Chemical a promis d’investir massivement en Inde à condition de n’avoir aucun problème avec Bhopal.

Sur Internet :
www.bhopal.net
www.ilfautlesavoir.com/presse/BHOPAL-1984-2004