«Je conserve d’excellents souvenirs de l’UQAM, particulièrement de mes cours sur le terrain en écologie. C’est de là que me vient le plaisir du travail intensif en équipe, que je retrouve lorsque je vais en mer», raconte Jozée Sarrazin, océanographe, chercheuse et chef de mission à l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), à Brest, en France. La Faculté des sciences lui décerne son Prix Reconnaissance UQAM 2008 pour son rayonnement international, l’excellence de son travail scientifique et ses grands talents de vulgarisatrice.
Jozée Sarrazin a eu un coup de coeur pour la mer à 14 ans, lors d’un voyage à Virginia Beach, mais elle était loin de se douter qu’elle se retrouverait quelques années plus tard en plein milieu de l’océan, à plus de 2 500 mètres de profondeur! Diplômée du baccalauréat en biologie de l’UQAM, elle s’est inscrite à la maîtrise en océanographie à Rimouski, où elle a étudié la zone de balancement des marées. «Je partais avec ma pelle, mon seau et mes bottes jaunes, je ramassais des clams que je disséquais et analysais», se rappelle-t-elle.
C’est dans le cadre d’un cours intitulé «Océanographie expérimentale» qu’elle a pris part pour la première fois à une expédition en bateau pour faire de l’échantillonnage. «J’ai adoré l’expérience et c’est ce qui m’a poussée à contacter le professeur Kim Juniper, qui venait d’être embauché à l’UQAM et qui travaillait sur les grands fonds marins. Il m’a envoyé un résumé de son projet de recherche sur les sources hydrothermales. Il y avait un mot sur quatre que je ne comprenais pas», se rappelle-t-elle en riant.
Boursière du CRSNG, Jozée Sarrazin est revenue à l’UQAM, pour s’inscrire au doctorat en sciences de l’environnement. Ses recherches portaient sur l’écologie des sources hydrothermales sous-marines dans le Pacifique Nord. «Ce sont des sources d’eau très chaude qui émergent à la surface du plancher océanique, explique la chercheuse. C’est comme des geysers sous-marins. L’eau est tellement chaude – jusqu’à 400 degrés Celsius – que lorsqu’elle entre en contact avec l’eau de mer froide, tous les éléments minéraux s’y précipitent et ça donne d’immenses cheminées, comme des édifices de plusieurs dizaines de mètres de haut, qui fument noir comme une usine. C’est très spectaculaire.»
Grâce aux contacts du professeur Juniper, elle a pu participer à une mission dans un sous-marin scientifique américain. «J’étais impressionnée parce qu’on descendait à 2 600 mètres de profondeur, se rappelle-t-elle. C’était tellement différent de toutes les images que j’avais vues jusque-là. La perspective en trois dimensions permet de saisir beaucoup plus de choses.»
Après avoir remporté le concours de vulgarisation scientifique de l’ACFAS, Jozée Sarrazin a réalisé des films vidéo et un CD-ROM interactif sur les écosystèmes extrêmes, de même qu’une tournée multimédia à travers les musées du Québec. Elle a aussi publié un livre de contes pour enfants racontant la vie d’un petit sous-marin téléguidé, rédigé après l’obtention de son postdoctorat de la Woods Hole Oceanographic Institution, au Massachussetts. «Le côté scientifique est très sérieux, dit-elle. La vulgarisation me permet de sortir de cet univers et de partager ce que je fais avec les gens.»
C’est dans cet esprit qu’elle a participé à l’élaboration de l’événement «Nuit des Abysses», à titre de chef d’une mission au sud des Açores, en 2006. «L’idée était de faire une transmission en direct du fond de l’océan Atlantique», explique la chercheuse, en poste au Département Études des écosystèmes profonds de l’Ifremer, depuis 2002. Tandis qu’elle et son équipe captaient des images à bord du sousmarin, des scientifiques expliquaient aux invités présents à l’Ifremer, parmi lesquels plusieurs enfants, ce que sont les sources hydrothermales et l’environnement des grands fonds. Le tout a été capté et diffusé sur TF1 et France2, en plus de faire l’objet d’un reportage de l’émission culte Thalassa, un magazine télévisé consacré à la mer. «Nous sommes même cités dans la Politique maritime de la France comme un bel exemple de vulgarisation scientifique», souligne-t-elle fièrement.
Jozée Sarrazin est heureuse du prix qu’on lui remettra en mai prochain, mais ne cache pas sa surprise. «Pourquoi moi? demande-t-elle. Je ne me considère pas comme une grande scientifique. Il y a plein de gens qui le méritent en science. En revanche, je sais que tous les ingrédients sont réunis pour éveiller l’intérêt des gens : c’est loin au fond des mers, c’est vivant et c’est techno. Ça fait rêver!»