Voyager en avion n’est pas très écologique. À titre d’exemple, un trajet Montréal-Paris aller-retour équivaut à 1,2 tonne de GES, selon l’organisme Zerofootprint, référé sur le site d’Air Canada. Aujourd’hui, le transport aérien compte pour 2 % des gaz à effet de serre (GES) relâchés dans l’atmosphère. «Mais d’ici 2050, cette proportion va s’accroître en raison de la très forte croissance de cette industrie à l’échelle planétaire», signale la géographe Julianna Priskin, professeure associée au Département d’études urbaines et touristiques et chercheuse à la Chaire de tourisme Transat.
Apparus depuis quelques années sur le marché, divers organismes proposent aux voyageurs d’annuler leur contribution aux GES par l’achat de crédits de carbone. «Le principe est simple, explique la chercheuse. Vous allez sur le site de l’organisme, vous entrez les données concernant votre lieu de départ et de destination, un logiciel permet de calculer combien de tonnes de carbone vous allez brûler pour ce voyage et vous offre l’achat de crédits pour compenser votre contribution aux GES.» Ainsi, Zerofootprint vous demandera une contribution d’environ 20 $ pour compenser votre trajet Montréal-Paris.
Des mesures volontaires
Ces programmes de compensation sont volontaires et ne font pas partie de l’accord de Kyoto, souligne Julianna Priskin. Leurs clients sont des individus soucieux de leur impact sur l’environnement, mais plus souvent des entreprises qui se sont engagées à réduire leurs émissions de GES. Les programmes qui permettent d’avoir des activités «carboneutres» gagnent en popularité non seulement dans le transport aérien, mais dans toute l’industrie touristique : de plus en plus d’organisateurs de congrès, de locateurs de voitures ou d’hôteliers proposent à leurs clients de participer à des programmes de compensation. «Les chiffres varient, mais on estime que ce marché double tous les ans», indique la chercheuse.
Il existe trois types de programmes de compensation. Selon la géographe, les crédits de carbone associés à la plantation d’arbre, en Amazonie ou ailleurs, sont les moins intéressants. «Ces programmes sont très contestés, explique-t-elle. C’est très noble de planter des arbres, mais les plantations à grande échelle basées sur la monoculture causent souvent autant de problèmes qu’elles ne permettent d’en résoudre.» Dans certains cas, des paysans pauvres ont été déplacés ou privés de l’eau dont ils avaient besoin pour leurs cultures à cause de plantations forestières. «Les arbres ne peuvent absorber toute la pollution qu’on envoie dans l’atmosphère, souligne la chercheuse. On aurait beau couvrir la planète entière de plantations d’arbres, ça ne résoudrait pas le problème des GES.»
Énergies renouvelables et efficacité
Selon Julianna Priskin, les deux types de programmes de compensation les plus prometteurs sont ceux qui permettent d’investir dans les énergies propres (un projet de production d’électricité à partir de la biomasse, en Inde, par exemple) et dans les technologies permettant une plus grande efficacité énergétique, comme les voitures hybrides. Contrairement à la séquestration du carbone par les arbres, dont le but est de compenser nos émissions, ce type de programme vise leur réduction effective. «On doit absolument changer nos façons de faire afin de réduire notre consommation de combustibles fossiles, dit la géographe. C’est la seule façon de lutter efficacement contre les changements climatiques.»
Ces trois types de programmes, qu’on trouve facilement sur Internet, sont offerts par une quarantaine d’organismes tels que Zerofootprint, Atmosfair, Climate Friendly ou NativeEnergy. Vaut-il la peine pour le voyageur ordinaire d’investir dans ces programmes? La chercheuse déplore qu’aucune réglementation ne les encadre. Pour le consommateur, il est difficile de s’y retrouver : la façon de calculer les émissions varie énormément d’un organisme à l’autre, sans compter qu’il n’est pas facile de s’assurer de la valeur des projets dans lesquels on investit. Mais ces programmes ont au moins le mérite de sensibiliser les consommateurs.
«Calculer nos émissions nous oblige à reconsidérer notre contribution au bilan de carbone», dit la géographe, qui croit cependant qu’un programme volontaire ne remplacera jamais une taxe verte. «Si on regarde les compagnies qui proposent des programmes de compensation, il n’y a jamais plus que 5 % des voyageurs qui sont prêts à payer pour des crédits de carbone, constate-t-elle. Mais si tout le monde, pas seulement dans le domaine du voyage, mais pour toutes ses activités, devait payer une compensation pour ses émissions de carbone, on pourrait changer le monde très rapidement. Cela obligerait l’économie à se réorienter vers des solutions qui réduiraient notre dépendance aux combustibles fossiles.»