«Les parents ne donnent pas de leçons. ils parlent, c’est tout. Ce sont les enfants qui, par eux-mêmes, découvrent les régularités du langage et apprennent à parler.»
Professeure au Département de psychologie, Rushen Shi n’en finit pas de s’émerveiller de cette capacité partagée par tous les enfants du monde d’apprendre à décoder et à parler la langue de leurs parents, que ce soit le français, le mandarin ou l’inuktitut. Cette spécialiste de la psycholinguistique tente de mieux comprendre comment les tout-petits utilisent leurs perceptions pour développer leur compréhension de la grammaire et s’approprier le langage.
Pour mener ses recherches, Rushen Shi dispose d’un laboratoire flambant neuf, installé grâce à une subvention de la Fondation canadienne pour l’innovation. Divisé en trois salles, dont une salle de contrôle pour les chercheurs et deux salles d’observation insonorisées et équipées d’un système audiovisuel informatisé, ce laboratoire permet d’observer en temps réel les réactions des enfants aux stimulis auditifs et visuels auxquels ils sont soumis.
«Regarde le ballon…» «Regarde la banane…» «Regarde le chien…» Assis sur les genoux de sa maman, l’enfant est sollicité par un enregistrement sonore et des projections d’images contrôlés par la chercheuse. Sa mère a sur les oreilles des écouteurs qui diffusent de la musique et l’empêchent d’entendre ce que son enfant entend et ainsi de l’influencer de quelque manière que ce soit. Une caméra filme toutes les réactions du bambin. Par exemple, on projette sur l’écran une image de ballon et une image de banane et l’enfant entend : «Regarde la banane…» «Chez l’adulte, on sait que le regard va se tourner vers la banane dès l’audition du mot la, explique Rushen Shi. Mais à partir de quel moment les enfants utilisent-ils cette information grammaticale pour regarder la bonne image? C’est ce que nous mesurons grâce aux instruments très précis de notre laboratoire, qui nous permettent d’observer et d’enregistrer leurs réactions au millième de seconde près.»
Comment le tout-petit construit-il son vocabulaire? Comment arrive-t-il à reconnaître les mots dans les phrases? À comprendre que danser et danse concernent la même action, même si les mots ont des sons différents? Ce sont ces questions qui captivent Rushen Shi et ses collaboratrices. Les enfants qui fréquentent son laboratoire ont entre quatre mois et trois ans. «C’est la période où les structures de compréhension de la langue se mettent en place, explique la professeure. C’est fascinant d’observer les bébés dès qu’ils commencent à apprendre. Surtout que cela va très vite. À six mois, ils commencent à séparer les différents mots de la phrase. Et à partir de 20 mois, un enfant francophone commence à comprendre la variation des mots, ce qui constitue peut-être un début de conjugaison…»