Un sondage réalisé l’an dernier par la Fondation Marie-Vincent, en collaboration avec le Centre d’expertise en agression sexuelle Marie-Vincent, révélait que près de 70 % des Québécois sous-estiment l’ampleur des agressions sexuelles contre les enfants et que plus de la moitié ne savent pas à qui s’adresser pour dénoncer des cas d’agression.
«Bien que la population comprenne mieux qu’auparavant l’importance de briser le silence, de fausses croyances persistent quant à la nature des actes posés par l’agresseur et à la réaction des enfants, sans parler de la méconnaissance des ressources», explique Martine Hébert, professeure au Département de sexologie. Une enquête récente, réalisée auprès d’un échantillon représentatif de 800 adultes québécois, indique que 22 % des femmes ont vécu une agression sexuelle avant l’âge de 18 ans, contre 10 % chez les hommes, souligne la chercheuse. De plus, près d’une victime sur cinq n’a jamais dévoilé l’agression dont elle a été l’objet et parmi les personnes l’ayant dévoilé, près de la moitié ont attendu plus de cinq ans.
Martine Hébert est membre de plusieurs équipes de recherche dont la Chaire interuniversitaire Marie- Vincent sur les agressions sexuelles envers les enfants et le Centre de recherche interdisciplinaire sur les problèmes conjugaux et les agressions sexuelles (CRIPCAS). Elle s’intéresse notamment aux conséquences des agressions sexuelles chez les enfants.
Pour des interventions personnalisées
Pourquoi certains enfants agressés sexuellement s’en tirent mieux que d’autres ou sont davantage capables de composer avec le traumatisme? Selon Mme Hébert, les profils très diversifiés des victimes ne révèlent pas l’existence d’un syndrome unique, d’où la nécessité de mieux documenter les facteurs associés à cette diversité. «Les études suggèrent que les enfants vivent différents types d’agressions et manifestent des difficultés multiples dont la sévérité varie d’un cas à l’autre, allant de l’anxiété à la dépression, des troubles somatiques aux sentiments de colère et d’agressivité, etc.»
Martine Hébert a participé à une recherche effectuée auprès d’un groupe de 123 enfants de 7 à 12 ans (100 filles et 13 garçons), référés par la clinique de pédiatrie de l’hôpital Sainte-Justine. Les résultats montrent qu’il faut aussi tenir compte de variables autres que celles liées directement à l’agression (identité de l’agresseur, durée de l’agression, actes impliqués) pour orienter chaque enfant vers l’intervention la mieux adaptée à ses besoins. «On doit ainsi évaluer de façon détaillée l’importance des facteurs personnels, tels les stratégies d’adaptation, et familiaux (appui des parents, degré de cohésion et de conflit)», souligne-t-elle.
Mme Hébert a également travaillé de concert avec des chercheurs américains qui ont développé une approche thérapeutique particulièrement efficace, la seule dans le domaine pour laquelle on dispose de données probantes, précise-elle. «Ils sont venus à Montréal pour former les intervenants du Centre d’expertise en agression sexuelle Marie-Vincent. Une subvention des Instituts de recherche en santé du Canada va nous permettre de documenter l’impact de cette approche auprès des enfants qui consultent le centre. Créé en 2005, le centre est un leader dans le développement d’interventions visant à venir en aide aux jeunes victimes et à leur famille.»